L'Institut professionnel de la fonction publique du Canada

Cet article d'opinion signé par le président de l'IPFPC a originellement paru dans le National Newswatch (en anglais seulement) le mois dernier.

 

Alors que le Canada est confronté à un délai de 30 jours dans le cadre d’une guerre commerciale potentielle avec des mesures de rétorsion tarifaire, nous faisons face à une contradiction stupéfiante. Après avoir menacé d’imposer des mesures tarifaires sur 155 milliards de dollars de produits américains, nous continuons d’envoyer au sud des milliards de dollars des contribuables canadiens, par le biais de contrats fédéraux de sous-traitance, à la nation même qui remet en cause notre souveraineté économique.

L’ampleur de cette contradiction est ahurissante. Tandis que nous élaborons des programmes de soutien d’urgence pour les industries canadiennes frappées par ces mesures tarifaires, nous payons en même temps des tarifs majorés à des géants américains du conseil pour qu’ils effectuent un travail qui pourrait être effectué par des fonctionnaires canadiens. Les grandes entreprises américaines comme IBM se classent régulièrement parmi les cinq premières bénéficiaires des contrats informatiques du gouvernement. Parallèlement, McKinsey & Company s’est vu attribuer des centaines de millions de contrats au cours des deux dernières décennies, dont 70 % n’ont jamais fait l’objet d’un appel d’offres. Les données du directeur parlementaire du budget montrent que ces contrats de sous-traitance coûtent généralement 25 % de plus aux contribuables canadiens que si le même travail était effectué par des professionnel·les de la fonction publique, une prime qui devient encore plus discutable alors que nous nous préparons à des turbulences économiques.

Le moment de ce différend commercial met en lumière le rôle essentiel de l’expertise de la fonction publique. Comme le ministère des Finances ouvre son processus de remises aux entreprises touchées par la guerre commerciale, ce sont les fonctionnaires qui concevront et mettront en œuvre ces programmes de soutien essentiels.

Pourtant, paradoxalement, nous continuons d’affaiblir notre capacité interne en sous-traitant des fonctions gouvernementales fondamentales à des entreprises étrangères.

La réponse à la pandémie a démontré la valeur irremplaçable de notre fonction publique. En temps de crise, ce sont les professionnel·les de la fonction publique qui ont mis au point des protocoles d’analyse, géré l’achat de vaccins et créé et mis en œuvre le programme de la PCU qui a aidé des millions de Canadiens et de Canadiennes. Aujourd’hui, alors que nous faisons face à des perturbations économiques potentielles dues à des mesures tarifaires qui pourraient réduire le PIB de 5,6 % et augmenter le chômage de 3 %, nous avons besoin de ces mêmes professionnel·les pour analyser les impacts, concevoir des stratégies d’atténuation et protéger les intérêts canadiens.

Voyons la situation actuelle : tandis que les gouvernements provinciaux ont pris des mesures pour retirer les produits américains des magasins d’alcool et modifier leurs pratiques d’approvisionnement auprès des entreprises américaines, l’approvisionnement fédéral continue de favoriser les géants américains du conseil. Cela crée une dépendance dangereuse au moment même où nous devons maximiser notre souveraineté économique et notre capacité de réaction.

Le plus inquiétant, c’est la manière dont cette sous-traitance draine régulièrement les connaissances et l’expertise canadiennes vers le sud, au profit d’entreprises américaines. Lorsque nous sous-traitons des fonctions gouvernementales, nous ne perdons pas seulement de l’argent, mais aussi une expertise et une mémoire institutionnelle vitales. Des informations cruciales sur les activités du gouvernement, les protocoles de sécurité et la planification stratégique circulent vers le sud avec l’argent des contribuables canadiens. Cette situation crée des vulnérabilités qui vont bien au-delà des coûts financiers immédiats et qui risquent d’entraver notre capacité à réagir de manière indépendante aux crises futures.

L’Énoncé économique de l’automne a annoncé 1,3 milliard de dollars pour accroître la sécurité aux frontières, reconnaissant la nécessité de renforcer les capacités du Canada. Cette enveloppe frontalière a été bonifiée ce mois-ci pour répondre aux dernières exigences de Trump liées au report des mesures tarifaires. Pourtant, nous continuons à saper ces investissements en confiant des fonctions informatiques et opérationnelles cruciales à des entreprises étrangères. Il ne s’agit pas seulement de développer des logiciels ou d’assurer la maintenance des systèmes, mais aussi de garder le contrôle de l’infrastructure numérique qui permet à notre gouvernement de réagir aux crises.

Le Canada a besoin de changer radicalement sa façon d’aborder les marchés publics et le renforcement des capacités. Nous devons rapatrier les fonctions gouvernementales essentielles dans notre fonction publique, en particulier dans les domaines qui sont critiques pour la sécurité nationale et la souveraineté économique. Il ne s’agit pas de protectionnisme, mais de paix, d’ordre et de bonne gouvernance. Une fonction publique forte et professionnelle n’est pas seulement une nécessité administrative; c’est un atout stratégique pour maintenir l’indépendance et la résilience du Canada.

Les frictions commerciales actuelles nous donnent l’occasion de réévaluer nos stratégies d’approvisionnement et nos investissements dans les capacités de la fonction publique. Tandis que nous nous préparons à affronter des turbulences économiques, nous ne devons pas nous affaiblir de l’intérieur. C’est le moment d’investir dans notre fonction publique, de renforcer les capacités canadiennes et de veiller à ce que les fondations de notre pays restent solides, quelles que soient les tempêtes économiques à venir.

Il est illogique de mener une guerre commerciale d’une main tout en signant des chèques à des sociétés de conseils américaines de l’autre. Le Canada a besoin d’une fonction publique qui sert la population canadienne, pas les actionnaires américains. En cette période d’incertitude économique, cette solution n’est pas seulement préférable, mais essentielle à notre résilience nationale.

Sean O'Reilly

Président

Insitut professionnel de la fonction publique du Canada 

 

Un mémoire pour la consultation prébudgétaire est un élément clé de la défense des intérêts politiques à l’Institut. Elle fait avancer les priorités de notre syndicat, attire l’attention du ministère des Finances et des décideurs politiques et, surtout, met en lumière les questions qui touchent les membres de l’Institut.

Notre travail au fil des ans prouve que l’action de l’Institut par rapport au budget a une véritable incidence.

Par exemple, toutes les économies réalisées lors de la révision des dépenses du gouvernement en 2022 ont été obtenues en limitant l’externalisation plutôt qu’en supprimant des services — ce que nous avons fortement préconisé tout au long des années 2022 et 2023. Nous avons également appelé à la création d’un registre de la propriété effective des sociétés pour aider à prévenir l’évasion fiscale des entreprises — une intervention politique importante pour nos membres à l’ARC. L’année dernière, le gouvernement fédéral a déposé un projet de loi pour en créer un.

Cette année, nous souhaitons continuer à faire progresser les questions essentielles pour soutenir les membres de l’Institut et contribuer à la solidité des services publics.

Voici ce que demande l’Institut par rapport au budget 2024 : 

1. Recentrer les dépenses publiques et réaliser des économies en continuant à limiter l’externalisation, en développant les capacités internes et en encourageant des dispositions équitables et souples en matière de télétravail.

2. Assurer une plus grande transparence et une meilleure consultation pour l’intégration de l’IA au sein du gouvernement fédéral afin de répondre à nos préoccupations.

3. Mettre l’accent sur Phénix. Après près d’une décennie de désastres, les fonctionnaires méritent un chèque de paye auquel ils peuvent se fier.

4. Consacrer un million de dollars de soutien continu à notre outil de carrière Navigar pour aider les membres à rester agiles et prêts pour l’avenir.

5. Réparer les soins de santé au niveau fédéral grâce à des solutions entièrement financées et permanentes dans le secteur public.

6. Investir 1,4 milliard de dollars dans la recherche et le développement au sein des ministères et organismes fédéraux afin d’inverser les tendances négatives.

7. Instituer un ensemble de six politiques d’équité fiscale en réponse à l’adversité économique croissante à laquelle sont confrontés les Canadien·nes et à la structure fiscale actuelle qui permet l’évasion fiscale.

LISEZ NOTRE MÉMOIRE

Ottawa, le 29 janvier 2024 – Le gouvernement du Canada améliore la façon dont il recrute, perfectionne et affecte les talents numériques dans l'ensemble de la fonction publique afin d'améliorer sa prestation de services numériques modernes et efficaces aux Canadiennes et Canadiens. 

Aujourd'hui, à l'occasion du Sommet des leaders du gouvernement numérique de 2024, l'honorable Anita Anand, présidente du Conseil du Trésor, a annoncé le lancement de la plateforme Talents numériques du GC, un nouveau site de recrutement en ligne pour les professionnelles et professionnels du numérique et de la TI.

La plateforme simplifie le processus de demande pour les personnes qui se spécialisent dans les domaines du numérique et de la TI et qui cherchent à postuler à des emplois au gouvernement. De plus, elle fournira aux institutions fédérales qui cherchent à embaucher du personnel des listes de personnes préqualifiées qui correspondent à leurs besoins en matière de talents numériques.

La plateforme est un élément clé de la Directive sur les talents numériques, qui appuie le perfectionnement et l'essor de la collectivité du numérique au moyen de la collecte et de l'analyse de données pour la planification, la recherche de talents, la gestion des talents et l'orientation à l'échelle du gouvernement. La Directive a été élaborée avec la participation et les commentaires de l'Institut professionnel de la fonction publique du Canada (IPFPC).

Ensemble, la Directive sur les talents numériques et la plateforme Talents numériques du GC donnent au gouvernement l'accès aux talents et aux ressources dont il a besoin pour offrir des services numériques modernes et efficaces aux Canadiennes et Canadiens.

Citations

« La fonction publique du Canada est l'une des meilleures au monde, et nous devons améliorer la façon dont nous attirons et retenons de nouveaux talents, surtout dans les domaines du numérique et de la TI. La plateforme Talents numériques du GC améliorera la façon dont nous recrutons les professionnelles et professionnels du numérique et de la TI alors que nous travaillons à améliorer la prestation des services aux Canadiennes et Canadiens à l'ère numérique. »

-  L'honorable Anita Anand, présidente du Conseil du Trésor

« C'est avec plaisir que nous assistons au lancement de la plateforme des Talents numériques du gouvernement du Canada, élaborée en consultation avec l'IPFPC. Nous sommes favorables à tout effort visant à tirer parti des ensembles de compétences des fonctionnaires et à rationaliser le processus d'embauche - idéalement en réduisant la nécessité d'embaucher du personnel sous contrat alors que des emplois permanents à temps plein restent vacants. Cette initiative a le potentiel de produire des résultats sur le plan de l'efficacité et de la prudence financière, au bénéfice du gouvernement et de la population canadienne. Elle s'aligne parfaitement sur l'objectif de notre syndicat, qui est de fournir des services cohérents et rentables. »

-  Jennifer Carr, présidente de l'Institut professionnel de la fonction publique du Canada (IPFPC)

Faits en bref

  • L'Ambition numérique du gouvernement du Canada décrit l'approche adoptée par le gouvernement pour appuyer la prestation de services gouvernementaux numériques, et le talent est l'un des principaux catalyseurs de la réalisation de cette Ambition.
  • La Directive sur les talents numériques, publiée en avril 2023, vise à améliorer la collecte de données et la coordination interministérielle dans les domaines de la planification, de la recherche de talents, de la gestion des talents pour la collectivité du numérique du GC.
  • La plateforme Talents numériques du GC améliorera le processus de demande pour les personnes qui se spécialisent dans le numérique et la TI et qui cherchent à se joindre au gouvernement.

Liens connexes

La sous-traitance des services gouvernementaux, particulièrement des TI, coûte des milliards de dollars aux Canadiens chaque année. Le recours à la sous-traitance est parfois nécessaire, par exemple pour augmenter les effectifs ou pour bénéficier d’une expertise et de compétences externes1. Par contre, les années de dépenses incontrôlées en sous-traitance ont fait en sorte qu’une légion de consultants travaillent dans l’ombre de la fonction publique aux côtés des employés de l’État. Cette fonction publique fantôme suit ses propres règles : les sous-traitants ne sont pas embauchés en respectant le principe de mérite, la représentativité, l’équité ou la transparence. Les restrictions budgétaires et le gel des embauches ne les affectent pas et ils ne rendent aucun compte aux Canadiens2. Le moment est venu de remanier en profondeur la politique de sous-traitance dans la fonction publique fédérale.

Au cours de 2021, l’IPFPC publiera une série de rapports d’enquête sur la dépendance croissante du gouvernement à l’égard de la sous-traitance et sur son coût réel.

Deuxième partie : Sous-traitance et équité entre les sexes

La sous-traitance des services publics aggrave l’iniquité entre les sexes dans la fonction publique canadienne. Dans le secteur des technologies de l’information, les contrats lucratifs sont attribués à une industrie à prédominance masculine, reconnue pour résister à l’équité entre les sexes. Par contre, les contrats de services d’aide temporaire moins bien payés et précaires sont le plus souvent attribués aux femmes. La majorité des travailleurs temporaires sont pris au piège des contrats de travail qui n’en finissent plus d’être temporaires, mal payés, sans avantages sociaux ou avec très peu d’avantages, et risquent fortement de se retrouver au chômage et de sortir de la population active3.

Partie 1 : Le coût réel de la sous-traitance, il est démontré que la dépendance du gouvernement à l’égard des consultants et des entrepreneurs externes pour fournir des services aux Canadiens a plus que doublé depuis 2011. Les dépenses en sous-traitance, incontrôlées depuis des années, ont créé une fonction publique fantôme composée de consultants et de contractuels travaillant aux côtés des fonctionnaires. Mais qui travaille dans la fonction publique fantôme? Ce rapport traite des consultants et des travailleurs temporaires qui composent la fonction publique fantôme et met en évidence l’expérience des consultants en TI, qui diverge grandement de celle des travailleurs temporaires. Il montre que la sous-traitance bafoue d’importantes valeurs de la dotation en précarisant les emplois et en réduisant l’équité entre les sexes dans la fonction publique. Il explore les liens entre la dotation en personnel au gouvernement et la sous-traitance tout en identifiant des moyens d’accélérer et d’assouplir le processus de dotation en personnel sans porter atteinte aux valeurs fondamentales de la dotation en personnel.

La sous-traitance au gouvernement est non seulement ruineuse et inutile, elle alimente l’iniquité entre les sexes dans la fonction publique.

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Les valeurs de la dotation dans la fonction publique canadienne

Le secteur public est soumis à des lois qui favorisent activement l’équité, la diversité et l’inclusion dans l’embauche et le recrutement. La Loi sur l’équité en matière d’emploi (LEME) promeut l’égalité des chances pour les groupes marginalisés, soit les femmes, les Autochtones, les personnes handicapées et les personnes racisées. La Loi sur l’emploi dans la fonction publique (LEFP) encourage le mérite, la responsabilité, la transparence et la représentation en fonction de la langue, de la région et du sexe. Ensemble, ces lois visent à créer une fonction publique représentative de la population qu’elle sert.

Les gestionnaires qui recourent à la sous-traitance pour contourner les valeurs de la dotation protégées par la LEE et la LEFP alimentent l’inégalité entre les sexes, ce qui rend la fonction publique moins représentative de la population canadienne.

Qui travaille dans la fonction publique fantôme?

Les consultants en TI, les consultants en gestion et les aides temporaires contractuels forment la plus grande partie de la fonction publique fantôme. En fait, ce sont les consultants en TI les plus nombreux, car ils représentent 70% du budget de la sous-traitance.4 Tout comme les consultants en gestion, les consultants en TI viennent d’un secteur à prédominance masculine et sont généreusement rémunérés pour leurs services. À l’inverse, les aides temporaires sont souvent des femmes, qui enchaînent les contrats de courte durée et sont moins bien payées que le personnel permanent. Les aides temporaires sont relativement peu nombreux dans la fonction publique fantôme, mais la demande en travail temporaire augmente quatre fois plus vite que pour celle en personnel permanent depuis 2011,5 ce qui démontre une préférence croissante pour le travail précaire dans la fonction publique.

Qui sont les consultants en TI?

Les consultants en TI qui travaillent dans la fonction publique fantôme sont principalement des hommes de la région d’Ottawa-Gatineau qui travaillent pour des géants de la technologie comme IBM, Veritaaq ou Randstad. Dans la région d’Ottawa-Gatineau, seuls 2 travailleurs technologiques sur 10 sont des femmes, et elles sont payées environ 13 000 $ de moins par année que leurs homologues masculins. En moyenne, les membres des groupes en quête d’équité sont payés environ 9700 $ de moins que les autres.6​​​​​​​

L’écart de rémunération entre hommes et femmes dans le secteur des technologies est le plus important chez les titulaires d’un baccalauréat ou d’un diplôme supérieur. Ainsi, plus les travailleuses sont instruites, plus elles sont défavorisées par rapport aux travailleurs et plus l’écart salarial est grand avec leurs homologues masculins.7

Les consultants en TI qui travaillent avec le gouvernement canadien sont probablement parmi les mieux payés au Canada. Le gouvernement fédéral ne publie pas les honoraires des consultants en TI auxquels il donne des contrats lucratifs, mais les consultants en TI du gouvernement de l’Ontario coûtent environ 30 % de plus par an qu’un travailleur informatique qui fait le même travail, à temps plein, même en tenant compte des avantages sociaux. 8

Le segment de la fonction publique fantôme qui croit le plus rapidement est à prédominance masculine, et les travailleuses et les membres des groupes en quête d’équité y sont moins bien payés que les autres. Le plus souvent, le travail effectué par des consultants en TI serait mieux fait par les fonctionnaires, à un coût nettement plus bas et avec la garantie d’une rémunération équitable.9​​​​​​

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Qui occupe ces emplois temporaires?

La dépendance croissante du gouvernement à l’égard des travailleurs temporaires fait que de nombreux emplois créés dans le « bon » secteur ne sont pas si bons que ça, après tout. L’augmentation du travail temporaire au gouvernement fédéral a des répercussions graves à long terme sur les travailleurs qui décrochent de « mauvais » emplois dans le « bon » secteur, dont la majorité est occupée par des femmes.

Contrairement à ce qui se passe pour les consultants en TI, les emplois temporaires reviennent généralement aux femmes et sont moins bien payés que les emplois permanents similaires. Selon Statistique Canada, 56 % des emplois temporaires dans l’administration publique sont occupés par des femmes et ces emplois sont généralement payés environ 21 % de moins que les emplois permanents. 10 Les travailleuses temporaires reçoivent non seulement un salaire de départ inférieur à celui des hommes, mais elles subissent aussi un écart de rémunération plus important et plus persistant avec les employés permanents sur une période de cinq ans.11

Les gestionnaires se tournent de plus en plus vers les travailleurs temporaires comme une option bon marché pour répondre aux besoins en ressources humaines. Ces travailleurs coûtent moins cher, car ils ne bénéficient pas des mêmes garanties - comme une paye, des avantages sociaux et la sécurité de l’emploi - que les travailleurs permanents, grâce à leurs conventions collectives. Le travail temporaire permet au gouvernement de réaliser des économies supplémentaires, car les gestionnaires n’ont pas à investir dans le perfectionnement professionnel des travailleurs temporaires, comme c’est le cas pour le personnel permanent. Ces économies ont conduit les gestionnaires à équilibrer de plus en plus leur budget sur le dos des travailleurs temporaires12.

Du travail temporaire en permanence

C’est à tort qu’on pense que les travailleurs temporaires ne sont recrutés que pour des affectations de courte durée. Même si les contrats de travailleurs temporaires sont tentants parce qu’ils sont perçus comme un moyen d’entrer dans la fonction publique, de nombreux travailleurs temporaires, surtout des femmes, demeurent prisonniers d’un cycle de précarité en enchaînant les contrats au gouvernement. Par exemple, la Commission de la fonction publique du Canada a constaté qu’un contrat sur cinq concernait du travail à faire en continu sur une longue durée. Seul un travailleur temporaire sur 10 environ a obtenu un poste permanent dans la fonction publique dans les 180 jours suivant la fin de son contrat13.

Un processus de dotation en personnel inadéquat favorise la sous-traitance et perpétue les
inégalités

Le processus de dotation de la fonction publique est inextricablement lié à la sous-traitance. Ce système coûteux et chronophage est particulièrement problématique lorsqu’il faut faire correspondre les compétences aux exigences du travail, de plus en plus axé sur les projets. Avec les nombreuses règles d’embauche, les attestations de sécurité et d’autres blocages, il faut en moyenne 198 jours (sur 6 mois) pour embaucher un nouvel employé à temps plein.14

On comprend aisément pourquoi les gestionnaires ont peu confiance en la capacité du processus à fournir des ressources. Dans le cadre du Sondage sur la dotation et l’impartialité politique de 2018, près de 9 gestionnaires sur 10 interrogés jugent le processus de dotation fastidieux et plus de 6 sur 10 le trouvent trop lent.15 À l’inverse, les gestionnaires interrogés par la Commission de la fonction publique (CFP) ont mentionné la « rapidité » et la « flexibilité » avantageuses de la sous-traitance.16

Le décalage entre la rapidité et la souplesse des mécanismes de passation des marchés, d’une part, et la lenteur et la lourdeur du processus de dotation, d’autre part, incite les gestionnaires à contourner le processus pour recourir à la sous-traitance.

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Réinventer la dotation

Le gouvernement fédéral reconnaît l’échec de son processus de dotation. En 2018, le Comité permanent des opérations gouvernementales et des prévisions budgétaires de la Chambre des communes a lancé une étude pour améliorer le processus de recrutement de la fonction publique fédérale.17 Le président de la Commission de la fonction publique (CFP), Patrick Borbey, a admis lors d’une audition de la Commission que la lenteur du processus de recrutement de nouveaux employés est « inacceptable », ce qui frustre les candidats, les gestionnaires recruteurs et les conseillers en ressources humaines. Il ajoute que « [...] d’excellents candidats vont choisir de se tourner vers d’autres employeurs, et les postes à pourvoir restent ainsi vacants pendant de longues périodes ».18

Jusqu’à présent, les réactions aux tentatives du gouvernement de corriger le processus de dotation sont mitigées. En 2016, la CFP a délégué une grande partie des pouvoirs décisionnels en matière de dotation aux sous-ministres dans le cadre de la Nouvelle orientation en dotation (NOD).19 Décrite par la CFP comme « le plus important changement apporté au système de dotation au cours de la dernière décennie », la NOD n’a pas eu l’effet escompté sur la dotation. Soit dit en passant, l’effet le plus notable depuis la mise en œuvre de la NOD a été une nette augmentation des nominations sans annonce.20 Cela peut créer du favoritisme dans l’embauche et nuire au recrutement basé sur les qualifications.

Le gouvernement tente également une nouvelle façon d’aller chercher les compétences là où elles sont dans la fonction publique, en partie pour réduire la dépendance à l’égard des sous- traitants. En 2016, le gouvernement a lancé le projet pilote des agents libres comme validation du principe du Nuage de talents du gouvernement du Canada. Le projet pilote des agents libres donne aux gestionnaires l’accès à un bassin de fonctionnaires présélectionnés qui ont des
compétences recherchées pour des projets à court terme. Les premiers résultats sont positifs, et les travailleurs et les gestionnaires participants les trouvent satisfaisants.

En savoir plus sur la nouvelle orientation en dotation et le Nuage de talents.

Même si le gouvernement reconnaît que le processus de dotation est très inadéquat, il n’a pas encore fait le lien entre la dotation et la sous-traitance. Le gouvernement doit prendre des mesures draconiennes pour réparer le système de dotation et enfin commencer à moins dépendre de la sous-traitance. Il doit exiger bien plus qu’une diminution de 10 % des délais nécessaires engagés par la CFP.21 Corriger le processus de dotation dans le service public est essentiel à la réduction de la sous-traitance.

Lire les recommandations politiques de l’IPFPC pour garantir l’égalité et l’équité dans la dotation en personnel dans la fonction publique.

On a encore du chemin à faire pour que la fonction publique canadienne représente la diversité de la population canadienne et soit un employeur juste et équitable. Embaucher plus de femmes et leur donner les emplois gouvernementaux précaires, ce n’est pas un triomphe pour l’équité, la diversité et l’inclusion. C’est un détournement de l’équité trop souvent effectué pour réduire les coûts. Non seulement la sous-traitance coûte aux Canadiens des milliards de dollars chaque année, mais elle nuit aux objectifs du gouvernement de créer une fonction publique juste, équitable et représentative.

 


[1] 1 D'après la Politique sur les marchés du Conseil du Trésor (article 16.1.5), les gestionnaires peuvent avoir recours à des sous-traitants s'ils doivent remplacer un fonctionnaire pendant une absence temporaire, réagir à des fluctuations inattendues de la charge de travail ou tirer avantage d'une expertise que n'offre pas la fonction publique. Cependant, pour ce qui est de la sous-traitance du travail des professionnels des TI, les gestionnaires travaillant avec des CS de l’IPFPC doivent d’abord faire un effort raisonnable pour utiliser les employés en poste ou embaucher de nouveaux employés nommés pour une période indéterminée avant de recourir à la sous-traitance (article 30.1 de la convention collective du groupe CS de l’IPFPC).

[2] David Macdonald, La fonction publique fantôme, Centre canadien de politiques alternatives, 2011.

[3] Stecy-Hildebrandt, N., Fuller, S., et Burns, A. (2019). “Bad” Jobs in a “Good” Sector: Examining the Employment Outcomes of Temporary Work in the Canadian Public Sector. Work, Employment and Society, 33(4). P. 564.

[4] Le gouvernement fédéral a dépensé 11,9 milliards de dollars en sous-traitance entre 2011 et 2018, et 8,5 milliards (ou 71 % de ce budget) ont été dépensés en services de sous-traitants en TI.

[5] Les dépenses en services d'aide temporaire ont grimpé de 78 % entre 2011 et 2018, tandis que les dépenses salariales pour le personnel permanent ont augmenté de 21 %.

[6] Institut Brookfield. Canada’s tech Dashboard: Diversity Compass. 2019. Voir : Visible Minority Pay Gap in Tech Occupations: Ottawa-Gatineau.

[7] 7 Institut Brookfield. Who are Canada’s Tech Workers? Janvier 2019. P. 22.

[8] Vérificatrice générale de l'Ontario. Rapport annuel 2018. 3.14 Recours à des consultants et à des conseillers principaux dans le secteur public. p. 734.

[9] Syndicat canadien de la fonction publique (2011). Le choc des salaires.p. 1.

[10] Les travailleurs temporaires gagnaient 21,8 $ l'heure en moyenne, comparativement à 27,71 $ l'heure pour le personnel permanent. Statistique Canada. L’emploi temporaire au Canada 2018. 14 mai 2019.

[11] Stecy-Hildebrandt, N., Fuller, S., et Burns, A. (2019). “Bad” Jobs in a “Good” Sector: “Bad” Jobs in a “Good” Sector: Examining the Employment Outcomes of Temporary Work in the Canadian Public Sector. Work, Employment and Society, 33(4). p. 564.

[12] Idem, p. 565.

[13] Commission de la fonction publique (CFP) du Canada. Utilisation des services d'aide temporaire dans les organisations de la fonction publique : étude de la Commission de la fonction publique du Canada, octobre 2010. P. 28.

[14] Chambre des communes. Améliorer le processus d’embauche de la fonction publique fédérale. 2019.p. 25.

[15] Commission de la fonction publique du Canada. Sondage sur la dotation et l'impartialité politique : Rapport sur les résultats de la fonction publique fédérale. 2018. p. 7.

[16] Commission de la fonction publique du Canada. Utilisation des services d'aide temporaire dans les organisations de la fonction publique. Octobre 2010. p. 31.

[17] Chambre des communes. 2019. Améliorer le processus d’embauche de la fonction publique fédérale.

[18] Chambre des communes. Comité permanent des opérations gouvernementales et des prévisions budgétaires La preuve. 2018 P. 1.

[19] Gouvernement du Canada. Nouvelle orientation en dotation -- Message de la Commission de la fonction publique à tous les fonctionnaires fédéraux. 2017.

[20] Ottawa Citizen. « Non-advertised appointments on the rise in the public service, PSC data show ». Février 2019.

[21] Chambre des communes. Améliorer le processus d’embauche de la fonction publique fédérale. 2019. p. 27.

Le 19 février 2021, la présidente Debi Daviau a écrit au commissaire de l’ARC, Bob Hamilton, au sujet de sa récente décision d’engager un sous-traitant pour répondre aux questions des contribuables concernant les prestations d’urgence et leur impact sur leur déclaration de revenus de 2020.

Les divers programmes mis en place pour aider les Canadiens durant la pandémie pourraient bien entraîner une hausse considérable du nombre de questions complexes posées à l’ARC pour la prochaine saison fiscale. Il n’est donc pas logique que les professionnels du service public n’aient pas été sollicités pour faire ce travail. L’ARC avait de nombreuses possibilités de fournir ces services à l’interne, y compris en embauchant du personnel pour une durée déterminée, mais elle a plutôt choisi de faire appel à un sous-traitant sans raison valable.

Le personnel des centres d’appel privés risque bien davantage de donner de l’information incomplète ou inexacte aux contribuables que le personnel de l’ARC. Sa formation n’est pas du même calibre, et ces employés ne sont pas tenus de respecter le niveau de confidentialité exigé dans la fonction publique. Pis encore, les contribuables ne savent pas nécessairement qu’ils ne parlent pas à un professionnel de l’ARC et pourraient par inadvertance divulguer des renseignements confidentiels à ces agents de centres d’appels privés.

On se souviendra du fiasco provoqué par l’embauche à la hâte de centaines d’agents de centres d’appels  qui devaient aider les employés fédéraux à faire face aux problèmes de paye complexes causés par Phénix.

Nous sommes solidaires de nos collègues de l’ARC représentés par le Syndicat des employé(e)s de l’Impôt et nous demandons au commissaire d’annuler immédiatement cette décision. Les contribuables canadiens méritent le meilleur service possible. Externaliser ce travail si important se révélera encore une fois plus coûteux et moins efficace que le confier à des professionnels bien informés et expérimentés de la fonction publique.

Selon notre sondage auprès des membres de 2019, le développement de carrière et la formation (DCF) sont une priorité absolue pour soixante-dix pour cent d’entre eux, en particulier les jeunes.

C’est pourquoi nous lançons un projet de recherche pour mieux comprendre tous les aspects du développement de carrière et de la formation dans la fonction publique fédérale, comme remplir les conditions requises pour une promotion, assister à des conférences et connaître les nouvelles technologies. Informez-vous sur le développement de carrière et la formation.

Le projet de recherche comprendra ce qui suit :

  • Un sondage auprès de tous les membres;
  • Des entretiens téléphoniques;
  • Des groupes de discussion;
  • Des analyses et des recommandations;
  • L’élaboration continue de solutions par les membres.

Sur quoi l’IPFPC centrera-t-il ses recherches?

Afin d’apporter des changements durables, il est important que l’IPFPC comprenne bien les diverses questions liées au développement de carrière, à la promotion professionnelle et à la formation.

Ces recherches viseront les buts suivants :

  • Parvenir à une compréhension commune des questions liées au développement de carrière, au perfectionnement professionnel et à la formation des membres de l’IPFPC;
  • Mieux comprendre la façon dont les membres vivent les problèmes différemment;
  • Élaborer des solutions factuelles et recommander des politiques pour nos membres.

Le groupe de travail sur le DCF

Le groupe de travail sur le DCF jouera un rôle clé dans la consultation des membres; il contribuera à l’élaboration du sondage auprès des membres et d’autres outils de recherche.

Qui? Un collectif de membres ayant une vision unique et étant désireux d’améliorer le développement de carrière et la formation.

Où? Communication virtuelle permanente avec la possibilité d’une rencontre en personne.

Quand? Le projet aura lieu de février à juin 2020, avec la possibilité d’une prolongation jusqu’à l’automne.

Pourquoi? Donner du soutien et des conseils sur la planification, la conception et l’exécution du projet.

À quoi s’attendre en tant que membre du groupe de travail sur le DCF?

Les membres du groupe de travail examineront et réviseront tous les éléments du projet. Ils donneront de leur temps à tour de rôle de février à juin 2020, avec la possibilité de prolonger le projet jusqu’à l’automne.

Ils feront le gros du travail par courrier électronique et par vidéo-conférence. Ils doivent être disponibles au moins une fois par mois pour se réunir virtuellement. Il se peut aussi qu’ils soient convoqués à une réunion en personne.

Le groupe de travail sur le DCF fonctionne comme un processus itératif; ses membres dirigeront son développement. Nous serons ravis de répondre aux besoins de ceux qui pourraient se buter à des obstacles les empêchant de participer.

Pour faire partie du groupe de travail, veuillez remplir et envoyer le formulaire de candidature suivant au plus tard le 18 février 2020. Les membres seront choisis et contactés avant le 3 mars 2020.

OTTAWA, le 27 janvier 2020. — De 2011 à 2018, le gouvernement fédéral a payé plus de 11,9 milliards de dollars à des consultants en informatique, des consultants en gestion et autres agents contractuels pour du travail qui aurait pu être fait par les professionnels de la fonction publique du Canada. Les contrats ont fini par coûter le double du prix initial aux contribuables. 

Il est consternant de constater que les dépenses pour des services de consultants en TI ont plus que doublé — passant de 605 millions de dollars en 2011 à plus de 1,3 milliard de dollars en 2018 — pour un total de 8,5 milliards au cours de cette période. En effet, sept des dix dollars dépensés en sous-traitance sont consacrés à des services de consultants en TI.  

« Ces chiffres sont accablants, déclare Debi Daviau, présidente de l’IPFPC. Le gouvernement choisit de payer davantage pour des services de moindre qualité destinés aux Canadiens. L’expertise la meilleure, la plus efficace et généralement la moins chère est déjà là, dans la fonction publique même. Au lieu de compter sur les meilleurs professionnels de la fonction publique du monde entier, le gouvernement gaspille l’argent des Canadiens pour des entrepreneurs qui exigent des prix exorbitants. » 

Au fil des ans, les consultants en TI auparavant embauchés pour fournir une expertise ou effectuer un remplacement temporaire en sont venus à remplir une grande part des fonctions essentielles de TI. La sous-traitance a affaibli les connaissances, les compétences et l’expertise institutionnelles de la fonction publique.

« Trop, c’est trop, affirme Mme Daviau. Il devrait être plus facile d’embaucher et de former des fonctionnaires que de payer une fonction publique fantôme qui finit par coûter deux fois plus cher que prévu. Il est temps pour le gouvernement fédéral de réduire la sous-traitance, comme l’avait promis le gouvernement libéral en 2015, et de rehausser les exigences en matière de sous-traitance. » 

L’introduction du système de paye Phénix illustre bien comment les coûts peuvent atteindre des proportions alarmantes lorsqu’un projet de TI externalisé tourne mal.

« Les Canadiens ne peuvent pas se permettre de répéter l’échec du projet Phoenix, estime la présidente de l’IPFPC. Des économies de plusieurs milliards de dollars peuvent être réalisées si nous investissons dans nos fonctionnaires. Cet argent pourra servir au financement de projets qui amélioreront la vie des Canadiens. »

L’IPFPC intensifiera sa lutte contre la sous-traitance en prônant des changements à la dotation dans la fonction publique, en examinant la nouvelle orientation en matière de dotation, en élargissant les projets pilotes conçus pour accélérer le processus de dotation et en offrant de nouvelles occasions de formation à ses membres.

« Les services publics dont nous dépendons chaque jour ne sont pas à l’abri des compressions et de la privatisation, conclut Mme Daviau. Cette lutte contre la sous-traitance nous concerne tous. »

Le lien suivant donne accès au rapport complet intitulé Le coût réel de la sous-traitance : https://pipsc.ca/fr/nouvelles-et-enjeux/la-sous-traitance/partie-1-le-cout-reel-de-la-sous-traitance

L’Institut professionnel de la fonction publique du Canada représente quelque 60 000 fonctionnaires professionnels partout au Canada. Suivez-nous sur Facebook et Twitter.

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Source : Johanne Fillion, 613 228-6310, poste 4953 (bureau) ou 613 883-4900 (cell.), jfillion@pipsc.ca

La sous-traitance des services gouvernementaux, particulièrement des TI, coûte des milliards de dollars aux Canadiens chaque année. Le recours à la sous-traitance est parfois nécessaire, par exemple pour augmenter les effectifs ou pour bénéficier d’une expertise et de compétences externes.[1] Par contre, les années de dépenses incontrôlées en sous-traitance ont fait en sorte qu’une légion de consultants travaillent dans l’ombre de la fonction publique aux côtés des employés de l’État. Cette fonction publique fantôme suit ses propres règles : les sous-traitants ne sont pas embauchés selon le mérite, la représentativité, l'équité ou la transparence; les restrictions budgétaires et le gel des embauches ne les affectent pas; et ils n’ont aucune responsabilité à l’égard des Canadiens.[2] Le moment est venu de remanier en profondeur la politique de sous-traitance dans la fonction publique fédérale.

Au cours de 2020, l’IPFPC publiera une série de rapports d’enquête sur la dépendance croissante du gouvernement à l’égard de la sous-traitance et sur son coût réel.

Partie 1 : Le coût réel de la sous-traitance

Le travail traditionnellement effectué par les fonctionnaires est de plus en plus souvent confié à des consultants et à des entrepreneurs à un coût qui ne manquerait pas de consterner les Canadiens. Au lieu d’investir dans la fonction publique, le gouvernement affecte une grande part de son budget à l’embauche de sous-traitants. Ces consultants coûtent cher, et les contrats sont octroyés à des sociétés qui font de la sous-enchère alors que les coûts réels explosent. Malgré tout, le gouvernement maintient année après année sa pratique de sous-traitance de la fonction publique à un coût exorbitant. Ce sont toujours les mêmes dix ministères et organismes gouvernementaux qui dépensent le plus en sous-traitance des TI, et cela fait craindre que ces institutions perdent les connaissances et les compétences requises pour fournir les services essentiels. Ce problème étend rapidement ses tentacules à tous les autres ministères et organismes gouvernementaux. Mais pour savoir vraiment où va l'argent des contribuables, il faut suivre la piste des sociétés multinationales. Et les Canadiens doivent savoir comment leur argent est dépensé et ce que coûte vraiment ce manque de vision.

Le recours à la sous-traitance a plus que doublé

Entre 2011 et 2018, le gouvernement fédéral a dépensé plus de 11,9 milliards de dollars pour des consultants en TI, des consultants en gestion et d'autres agents contractuels. Durant cette même période, le coût annuel de la sous-traitance a doublé en passant de 1 milliard de dollars en 2011 à presque 2,2 milliards de dollars en 2018.

Diagramme circulaire qui démontre que les consultants en TI comptent pour sept des dix dollars dépensés en sous-traitance.
Les consultants en TI comptent pour sept des dix dollars dépensés en sous-traitance.
Pourcentage du total des dépenses en sous-traitance par catégorie, 2011-2018
Consultants en TI = 8,5G$ (70%)
Consultants en gestion = 2,85G$ (25%)
Autres contractuels (agence de placement temporaire) = 599M$ (5%)
Dépenses totales : 11,9G$

Source : Divulgation proactive, 2011-2018

Les dépenses liées aux consultants en TI ont plus que doublé – de 605 millions de dollars en 2011 à plus de 1,3 milliard de dollars en 2018 – se chiffrant à plus de 8,5 milliards de dollars pour cette période.

Graphiques démontrant les hausses en flèche concernant les consultations en TI
Les dépenses pour les services de consultation en TI ont monté en flèche de 2011 à 2018.
Total des dépenses en $ par catégorie pour la sous-traitance.
Consultants en TI : croissance de 116%
Consultants en gestion : croissance de 115%
Autres contractuels (agences de placement temporaire) : croissance de 78%

Source : Divulgation proactive, 2011-2018

Le recours aux consultants en TI vise à augmenter les effectifs ou à bénéficier de compétences spécialisées. Cependant, le fait que le coût de la sous-traitance des TI a doublé en seulement sept ans laisse croire que les gestionnaires se servent des consultants de manière abusive pour exercer une grande partie des fonctions de TI dont le gouvernement a besoin pour fournir ses services. 

Le recours à la sous-traitance des TI a surtout lieu dans dix ministères et organismes.

Sur 78 ministères et organismes gouvernementaux, 10 comptent pour 73 % des 8,5 milliards de dollars affectés aux consultants en TI. Parmi ceux-ci, cinq ministères et organismes sont responsables de près de la moitié (49 %) des dépenses totales liées aux consultants en TI.

Graphique démontrant que dix ministères représentent 72% des dépenses pour des consultants en TI de 2011 à 2018.
Dix ministères représentent 73% des dépenses pour des consultants en TI de 2011 à 2018.
Pourcentage des dépenses en sous-traitance des TI correspondant aux principaux ministères et organismes. 

Agence du Revenu du Canada = 1 421 804 132 $ (17%)
Emploi et développement social Canada = 800 079 021 $ (9%)
Agence des services frontaliers du Canada =  737 103 818 $  (9%)
Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada = 651 856 872 $ (8%)
Défense nationale = 539 512 338 $ (6%)
Affaires mondiales Canada = 464 024 959 $ (5%)
Gendarmerie royale du Canada = 434 024 332 $ (5%)
Transports Canada = 410 435 109 $ (5%)
Innovation, Sciences, et Développement économique Canada = 398 358 130 $ (5%)
Services partagés Canada = 318 069 803 $ (4%)

Le top cinq des ministères compent pour 49% des dépenses totales en sous-traitance des TI à l'échelle du gouvernement.
Le top dix des ministères compent pour 73 % des dépenses totales en sous-traitance des TI à l'échelle du gouvernement.
68 autres organismes gouvernementaux correspondent à 27%. 

Source : Divulgation proactive, 2011-2018  

La sous-traitance au sein des principaux ministères et organismes constitue un obstacle majeur au renforcement de la capacité interne. Plus les services de TI sont confiés à des consultants, plus la fonction publique perd l’expertise et les connaissances relatives aux systèmes de TI du gouvernement. Puisqu’il n’existe aucun mécanisme de transfert des connaissances et de l’expertise aux ministères et organismes à la fin des projets, la fonction publique se voit incapable d’accomplir un nombre croissant de fonctions de TI à l’interne. Le recours aux consultants en TI inquiète la fonction publique et les Canadiens qui bénéficient des services publics.

Cliquez ici pour en savoir plus sur les symptômes de la sous-traitance des TI, dont l’exode des connaissances et le transfert des compétences.

La sous-traitance s’est rapidement imposée dans l’ensemble du gouvernement

Même si les dépenses liées à la sous-traitance des TI sont majoritairement attribuables aux dix principaux ministères et organismes, le recours à la sous-traitance croît encore plus rapidement ailleurs au gouvernement. En 2011, les dix principaux ministères et organismes ayant recours à la sous-traitance comptaient pour 96 % des dépenses du gouvernement liées à la sous-traitance des TI. En 2018, ces mêmes ministères et organismes se partageaient environ 71 % des dépenses totales en sous-traitance des TI. Autrement dit, alors que le recours à la sous-traitance se concentrait presque entièrement dans une poignée de ministères et organismes, cette pratique est maintenant adoptée dans l’ensemble du gouvernement.

Deux diagrammes représentant la croissance rapide de la sous-traitance à l'échelle du gouvernement.
La sous-traitance a connu une croissance rapide à l'échelle du gouvernement.
Les dix ministères ou organismes ayant le plus recours à la sous-traitance par rapport au reste du gouvernement, 2011  par rapport à 2018
​​​​​​
En 2011, les dix principaux équivalaient à 580 M$ (96%)
Tous les autres équivalaient à 25 M$ (4%)

En 2018, les dix principaux équivalaient à 931 M$ (71%)
​​​​​​Tous les autres équivalaient à 378 M$ (29%)​

Source : Divulgation proactive, 2011-2018

La sous-traitance des TI a augmenté 5,5 fois plus rapidement que la masse salariale

Il est évident que les ministères préfèrent recourir à la sous-traitance plutôt que d’investir dans leur personnel. Les budgets consacrés à la sous-traitance des TI ont plus que doublé, tandis que la masse salariale et les budgets de fonctionnement peinent à suivre l’inflation.[3] Les dépenses liées à la sous-traitance des TI ont augmenté de 5,5 fois plus rapidement que la masse salariale et près de 10 fois plus rapidement que les dépenses ministérielles totales.

Trois bulles expliquant que les coûts de la sous-traitance des TI dépassent ceux de la masse salariale et des autres types de dépenses.
Les coûts de la sous-traitance des TI dépassent ceux de la masse salariale et des autres types de dépenses.
Taux d'accroissement de la sous-traitance des TI par rapport à celui de la masse salariale, 2011-2018

Coûts de la sous-traitance des TI: +116% de 2011 à 2018
Coûts de la masse salariale: +21% de 2011 à 2018
Coûts totaux: +12% de 2011 à 2018

Source : Divulgation proactive, 2011-2018 et Comptes publics du Canada, volume II, Détails des charges et des revenus, 2011-2018

La croissance disproportionnée de la sous-traitance des TI révèle la nouvelle tendance du gouvernement en matière de prestation de services. Auparavant, les employés du gouvernement faisaient le gros du travail, et quelques consultants venaient en renfort pour fournir les services. Au fur et à mesure que les besoins en matière de service augmentaient, le gouvernement embauchait plus d’employés. Maintenant, les ministères se tournent davantage vers les consultants pour  assumer une grande partie croissante des tâches qui incombent à la fonction publique. Autrement dit, au lieu de servir à l’embauche d’employés, les budgets relativement constants des ministères et des organismes servent de plus en plus à confier les TI à des sous-traitants.

Des prix scandaleux

Les consultants en TI finissent par coûter deux fois plus cher que prévu au gouvernement fédéral et aux Canadiens. En moyenne, le coût réel d’un consultant en TI est plus que le double du coût indiqué dans le contrat initial, ce qui est extrêmement plus élevé que la majoration moyenne de deux tiers pour un consultant en gestion ou un service d’aide temporaire.

Deux diagrammes circulaires expliquent que les consultants en TI coûtent deux fois plus cher que prévu.
Les consultants en TI coûtent deux fois plus cher que prévu.
Valeur initiale par rapport à la valeur finale des contrats de sous-traitance par catégorie , 2011-2018

Consultants en TI
Valeur initiale = 3,93 G$ 
Valeur finale = 8,46 G$ (+115%)

Autres contractuels (agences de placement temporaire)
Valeur initiale = 359M$ 
Valeur finale = 599M$ (+67%)

Consultants en gestion
Valeur initiale = 1,73G$
Valeur finale = 2,85G$ (+65%)

Source : Divulgation proactive, 2011-2018

Deux raisons expliquent le coût beaucoup plus élevé de ces contrats par rapport à leur coût initial :

  • Il est assez simple pour les gestionnaires du gouvernement de modifier les contrats après leur passation. La valeur des contrats peut être rehaussée de 50 % sans avoir à faire de nouveaux appels d’offres.[4]
  • Le pouvoir discrétionnaire de modifier les contrats pousse les sous-traitants à soumissionner à la perte. Les plus bas soumissionnaires obtiennent les contrats à un prix qui ne permet pas de fournir les services demandés. Une fois le contrat octroyé, ils peuvent y intégrer des profits dans le cadre de révisions.

Il n’est pas surprenant que les sous-traitants sous-estiment les coûts et que la portée et le budget d’un projet explosent par la suite. Malgré tout, d’une année à l’autre, les décideurs ferment les yeux devant ces coûts exorbitants et permettent les dépassements de budget.

Cliquez ici pour savoir quelles sociétés bénéficient d’une trop grande part de l’argent des Canadiens.

Amélioration de la capacité et des services numériques offerts aux Canadiens

Il y a un coût réel à la sous-traitance; pensons au coût humain du système Phénix, par exemple. Ce projet était voué à l’échec dès le début et il coûte des milliards de dollars aux contribuables. Le gouvernement continue de gaspiller de l’argent dans cette aventure, alors que des fonctionnaires risquent d’y perdre leur gagne-pain. Dans ses lettres de mandat de 2019, le premier ministre Trudeau a demandé à son cabinet « de relever la barre en matière d’ouverture, d’efficacité et de transparence au sein du gouvernement » et « d’offrir une meilleure capacité numérique et de meilleurs services numériques aux Canadiens ».[5] Pour y arriver, le gouvernement doit investir dans une fonction publique hautement spécialisée qui pourra fournir les services numériques de nouvelle génération au lieu de s’acharner à recourir encore davantage aux consultants en TI.

Cliquez ici pour lire les politiques recommandées par l’IPFPC pour mettre fin à la sous-traitance et accroître l’ouverture, l’efficacité et la transparence de la fonction publique

Restez à l’affût! Nous publierons sous peu notre série de rapports sur le coût réel et les symptômes de la sous-traitance au gouvernement. Notre deuxième rapport portera sur le fait que, en plus de simplifier la tâche des gestionnaires, la sous-traitance diminue les valeurs de dotation du gouvernement, dont la transparence, la responsabilité, le mérite et la représentativité (genre, région, origine ethnique, bilinguisme), en contournant le système de dotation.

 

 


[1]D’après la Politique sur les marchés du Conseil du Trésor (section 16.1.5) les gestionnaires peuvent avoir recours à des sous-traitants s’ils doivent remplacer un fonctionnaire pendant une absence temporaire, réagir à des fluctuations inattendues de la charge de travail ou tirer avantage d’une expertise que n’offre pas la fonction publique. Cependant, pour ce qui est de la sous-traitance du travail des professionnels des TI, les gestionnaires travaillant avec des CS de l’IPFPC doivent d’abord faire un effort raisonnable pour utiliser les employés en poste ou embaucher de nouveaux employés nommés pour une période indéterminée avant de recourir à la sous-traitance (article 30.1 de la convention collective du groupe CS de l’IPFPC). Cette règle n'est pas toujours appliquée.

[2] David Macdonald, La fonction publique fantôme, Centre canadien de politiques alternatives, 2011.

[3] Selon Statistique Canada, l’inflation de l’IPC était de 11,3 % entre 2011 et 2018. Tableau : 18-10-0005-01 (anciennement CANSIM 326-0021)

[4] David McDonald, La fonction publique fantôme, Centre canadien de politiques alternatives, 2011, p.12.  

[5] Cabinet du Premier ministre, Lettre de mandat de la ministre du Gouvernement numérique, décembre 2019. Extrait de : https://pm.gc.ca/fr/lettres-de-mandat/lettre-de-mandat-de-la-ministre-du-gouvernement-numerique

Le 19 juillet 2018, l’équipe CS chargée du protocole d’entente (PE), composée de Stan Buday, Robert Tellier, Yvonne Snaddon, Eva Henshaw, Craig Bradley et Lucille Shears (Glenn Maxwell et Pierre Touchette étaient absents), a rencontré des représentants du MDN, du CESD et de SPC, ainsi que le négociateur du Conseil du Trésor.