L'Institut professionnel de la fonction publique du Canada

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Le groupe Systèmes d’ordinateurs (CS) de l’IPFPC s’efforce de faire appliquer l’article 30 de sa convention collective. Cet article stipule que l’employeur doit faire un effort raisonnable pour utiliser ses employé·e·s en poste ou embaucher des personnes qui occuperont un poste permanent ou pour une durée indéterminée, selon les besoins, avant de confier du travail en sous-traitance à des consultants ou à des sociétés privées. L’embauche de consultant·e·s par le gouvernement pour effectuer du travail informatique coûte cher et contribue à l’érosion de la mémoire institutionnelle. Malheureusement, malgré les nouvelles dispositions de la convention collective à cet égard, le gouvernement externalise d’importantes fonctions informatiques dans presque tous les ministères, au flagrant mépris de l’article 30.

Le ministère le plus problématique de la fonction publique fédérale en matière de sous-traitance est Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada. La présente analyse porte sur les griefs de principe déposés à l’endroit d’IRCC entre janvier 2018 et mars 2020 concernant la sous-traitance du travail informatique qui aurait pu être fait à l’interne. Les données présentées prouvent que le Ministère ne respecte pas la convention collective.

En savoir plus sur le groupe CS, l’article 30 et l’Équipe d’action sur la sous-traitance

Le groupe CS a analysé 276 appels d’offres ou contrats. Le Groupe a demandé des renseignements par courrier électronique au Ministère concernant 268 de ces appels d’offres ou contrats, et demandé au Ministère de décrire les efforts raisonnables consentis pour respecter les dispositions sur la sous-traitance de la convention collective. Les réponses insuffisantes reçues d’IRCC ont mené le groupe à déposer 247 griefs de principe contre le ministère. Il s’agit du plus grand nombre de griefs pour un seul ministère que notre Équipe d’action sur la sous-traitance a dû déposer.

Refus de divulgation

Sur les 268 demandes de renseignements envoyées, le groupe CS n’a reçu que 169 réponses, dont de nombreuses étaient insuffisantes, ce qui a donné lieu à 247 griefs liés à la sous-traitance au cours de la période étudiée. Parmi les réponses reçues, IRCC a justifié ainsi la sous-traitance du travail de TI :

  • pas de compétences à l’interne pour effectuer le travail;
  • problème de recrutement et de rétention dans le secteur d’activité CS;
  • processus de dotation trop long pour assurer le respect de l’échéancier des travaux;
  • nécessité d’augmenter le nombre de ressources humaines par des sous-traitants;
  • pas de financement pour certains postes de fonctionnaires.

La sous-traitance se traduit par des coûts plus élevés et des services de moindre qualité pour la population — moins de transparence, moins de responsabilités ainsi qu’une perte de compétences et de connaissances organisationnelles.

Le manque de formation : une partie du problème

Le manque de compétences internes était la raison la plus fréquemment avancée pour justifier la sous-traitance. L’IPFPC est d’avis que le Ministère a la responsabilité de donner aux membres CS une formation adéquate, en temps opportun, pour répondre non seulement aux besoins immédiats, mais aussi aux futurs besoins technologiques du soutien aux services publics. Investir dans le personnel est un moyen rentable de garantir le maintien des connaissances et des compétences institutionnelles et d’aider le Ministère à suivre l’évolution constante des besoins en technologie. La responsabilité d’assurer le financement de formations adéquates revient directement au Ministère lors de l’élaboration des budgets annuels.

Le coût élevé du travail sous-traité

Parmi les appels d’offres et les contrats examinés, 9 étaient décrits comme des contrats du palier 1, ce qui signifie que le coût de chacun d’entre eux pouvait atteindre 3,75 millions de dollars. La valeur des autres contrats que nous avons pu trouver parmi ces appels d’offres dépassait 115 M$.

Il faudrait combler les besoins récurrents avec des postes permanents et non avec des contrats de sous-traitance.

Même si 39 % des contrats ont été conclus sur une période d’un an, 18 % d’entre eux comportaient des dispositions permettant de les renouveller de une à trois fois, pour des périodes supplémentaires d’un an chacune.

Beaucoup trop de personnel sous-traitant

Au cours de cette période, 270 sous-traitants ont été sollicités par appels d’offres, soit 270 ressources en personnel. Ce nombre élevé met en lumière le manque manifeste de personnel informatique nécessaire pour répondre aux besoins des services publics. Le travail de TI le plus souvent donné en sous-traitance par le Ministère au cours de cette période concernait l’architecture, l’analyse et la programmation. D’autres fonctions de CS, comme celles de gestion de projet, de sécurité, de service-conseil, de dépannage et de soutien de réseau étaient fréquemment sous-traitées.

Efforts insuffisants en dotation à IRCC

Entre novembre 2017 et mars 2020, on a examiné la quantité et la nature des offres d’emploi à IRCC sur le site Web du gouvernement du Canada.

Au cours de cette période, le Ministère a publié 25 annonces pour trouver environ 85 personnes, principalement des chefs d’équipe, des gestionnaires de projet et des analystes. Des postes de niveau CS-03 étaient concernés dans 85 % des cas.

Seules 14 de ces annonces ont été diffusées au public, dont 10 étaient de niveau CS-01. La plupart des annonces publiques de niveau CS-01 concernaient des emplois occasionnels (emplois non syndiqués au ministère pour une durée maximale de 90 jours par année).  Il est clair que le ministère ne considère pas la dotation en postes permanents ou à durée déterminée comme un moyen de réduire le nombre de ressources contractuelles, ce qui aurait pour effet de s’assurer que les professionnels de la fonction publique effectuent le travail continu et périodique dont IRCC a besoin.

Les tableaux suivants montrent clairement qu’IRCC n’a pas tenté de pourvoir les postes avec des employé·e·s permanents ou pour une durée déterminée et qu’il a préféré externaliser des compétences particulières, en violation de l’article 30. Par exemple, au cours de la période étudiée, IRCC a fait appel à environ 56 sous-traitant·e·s en programmation, au moment même où il cherchait des employé·e·s permanents ou pour une durée déterminée au moyen de seulement deux concours pour le même type de travail de niveau CS-01. L’IPFPC estime que le nombre de sous-traitant·e·s constamment employés au Ministère est trop élevé. IRCC a recruté 270 sous-traitant·e·s au cours de cette période, alors qu’il n’a recherché que 23 professionnels permanents de la fonction publique.

Il est clair qu’Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada ne fait pas d’efforts raisonnables pour embaucher des employés permanents ou nommés pour une période déterminée pour faire le travail de TI dont il a besoin.

Travail sous-traité

Offres d’emploi

La convention collective doit être respectée

IRCC utilise les offres à commandes comme moyen de sous-traitance plus que tout autre ministère. Les offres à commandes sont tenues à jour par Services publics et Approvisionnements Canada et permettent aux ministères de s’adresser directement à une entreprise pour obtenir des services tout en demeurant dans les limites d’une valeur monétaire précise pour ces services. Il est ainsi très facile pour les ministères de sous-traiter des travaux sans avoir à passer par un processus d’appel d’offres. Il est évident que l’IRCC fait peu ou pas d’efforts raisonnables pour embaucher avant de sous-traiter, comme l’exige la convention collective CS. Le nombre de griefs déposés contre IRCC est très élevé, ce qui alourdit inutilement la charge de travail de l’IPFPC et celle du Secrétariat du Conseil du Trésor du Canada.

Les données indiquent qu’IRCC préfère sous-traiter les travaux de TI sur une base continue, ce dont témoigne le site Web de Divulgation proactive du gouvernement canadien. La durée pendant laquelle les entrepreneurs effectuent des travaux qui sont reconnus comme permanents, ainsi que le nombre d’entrepreneurs travaillant à IRCC, sont stupéfiants. C’est particulièrement vrai dans le cas des activités de soutien aux applications, qui sont sous-traitées en grande partie. Le soutien aux applications est un domaine qui devrait être effectué par des professionnel·le·s des services publics afin de garantir le maintien des compétences organisationnelles dans la fonction publique. Ce travail n’est pas temporaire et il est très important.

Bien que ce rapport ne traite pas de la formation, l’IPFPC considère qu’IRCC devrait former ses employé·e·s de manière à pouvoir faire face aux besoins futurs du gouvernement. La formation pourrait effectivement contribuer à réduire la dépendance du gouvernement à l’égard de la sous-traitance.

Ce rapport interne confirme les raisons pour lesquelles IRCC est le ministère du gouvernement du Canada qui compte le plus de griefs relatifs à l’article 30 de la convention collective du groupe Systèmes d’ordinateurs. L’IPFPC s’engage à dénoncer ces problèmes et à recourir aux moyens nécessaires pour que la convention collective soit respectée par tous les ministères et toutes les agences.

Le groupe CS, l’article 30 et l’équipe d’action sur la sous-traitance

Le groupe CS représente environ 17 319 travailleurs des technologies de l’information (TI) employés par le Conseil du Trésor du Canada. Les membres du Groupe sont répartis dans 62 ministères fédéraux et dans chacune des ambassades canadiennes; ils participent à des missions opérationnelles dans le monde entier pour le ministère de la Défense nationale (MDN) et l’Agence spatiale canadienne (ASC).

Les technologies de l’information ont évolué et sont essentielles à toutes sortes de professions dans notre société. Le bon fonctionnement du gouvernement fédéral et de la collectivité dépend des systèmes et des logiciels qui sont étudiés, gérés et maintenus par les membres du Groupe. Ces personnes protègent non seulement les systèmes, mais aussi les données qu’ils comprennent. La portée et l’importance de leur travail ont crû à une vitesse exceptionnelle, au rythme de l’évolution technologique propre à notre époque. Elles assurent des services de soutien, le développement d’architectures et d’applications, les opérations d’infrastructures, la gestion des bases de données et des projets, et la création de systèmes spécialisés. On les trouve un peu partout, des services de dépannage informatique aux solutions d’intelligence artificielle.

Tableau : Répartition des membres du groupe CS par ministère — Ministères comptant au moins 300 employés du groupe CS au 31 mars 2018

Department / Ministère

 

Shared Services Canada / Services partagés Canada

3 595

National Defence / Défense nationale

1 904

Employment and Social Development Canada / 

Emploi et Développement social Canada

1 454

Statistics Canada / Statistique Canada

789

Public Services and Procurement Canada /

Services publics et Approvisionnement Canada

650

Canada Border Services Agency / Agence des services frontaliers du Canada

624

Global Affairs Canada / Affaires mondiales Canada

455

Environment and Climate Change Canada /

Environnement et Changement climatique Canada

378

Health Canada / Santé Canada

371

Correctional Service Canada / Service correctionnel Canada

352

Innovation, Science and Economic Development Canada /

Innovation, Sciences et Développement économique Canada

342

Immigration, Refugees and Citizenship Canada /

Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada

327

Fisheries and Oceans Canada / Pêches et Océans Canada

300

Pendant la ronde de négociations de 2014, l’Institut a privilégié certains enjeux propres au groupe CS : la sous-traitance du travail dont devraient normalement s’acquitter les employés de l’État, le rôle des membres du Groupe dans la préservation des compétences et des connaissances institutionnelles en matière de changement technologique, ainsi que le règlement des problèmes de recrutement et de maintien en poste de professionnels hautement qualifiés en TI. L’article 30 de la convention collective du Groupe CS, intitulé « Sous-traitance », a été modifié.

L’équipe d’action sur la sous-traitance

Afin de s’assurer du respect du nouveau libellé de l’article 30, le Groupe CS a formé l’équipe d’action sur la sous-traitance (EAST). L’EAST examine chaque contrat lié aux TI publié par les ministères qui emploient des membres du Groupe. Après avoir étudié chaque contrat et cherché à savoir si le Ministère a respecté ou non les dispositions de la convention collective, l’EAST décide si un grief de principe doit ou non être déposé. Depuis sa mise sur pied en janvier 2018 jusqu’en septembre 2020, l’équipe a analysé plus de 1 850 offres et contrats de services.