Téléchargez ce rapport en format PDF
Le groupe Systèmes d’ordinateurs (CS) de l’Institut professionnel de la fonction publique du Canada (IPFPC) s’efforce de faire appliquer l’article 30 de sa convention collective. Cet article stipule que l’employeur doit faire un effort raisonnable pour utiliser les employés•e•s en poste ou embaucher de nouveaux employés•e•s nommé•e•s pour une période indéterminée ou déterminée, selon le cas, avant de confier du travail en sous-traitance à des consultants ou à des sociétés privées. L’embauche de consultants par le gouvernement pour effectuer du travail informatique coûte cher et contribue à l’érosion de la mémoire institutionnelle. Malheureusement, malgré les nouvelles dispositions de convention collective à cet égard, on fait encore de la sous-traitance d’importantes fonctions informatiques au gouvernement dans presque tous les ministères, au flagrant mépris de l’article 30. SPC est l’un des ministères les plus problématiques à cet égard. La présente analyse porte sur les griefs de principe déposés à l’endroit de SPC entre janvier 2018 et mars 2020 concernant la sous-traitance du travail informatique qui aurait pu être effectué à l’interne. Les données présentées prouvent que le Ministère ne respecte pas la convention collective.
Pour en savoir plus sur le groupe CS, l’article 30 et l’Équipe d’action sur la sous-traitance
Le groupe CS a analysé 173 appels d’offres ou contrats, dont 153 ont été remis en question dans des courriels où il était demandé au Ministère de décrire l’effort raisonnable déployé, conformément aux dispositions sur la sous-traitance de la convention collective.
Refus de divulgation
Sur ces 153 demandes, le groupe CS n’a reçu que 27 réponses, ce qui a donné lieu à 135 griefs pour cette période. Parmi les réponses reçues, SPC a justifié ainsi la sous-traitance du travail de TI :
- absence de compétences internes pour effectuer le travail;
- problème de recrutement et de rétention dans le secteur d’activité CS;
- processus de dotation trop long pour assurer le respect des échéances du travail;
- nécessité d’augmenter le nombre d’employés avec des sous-traitants;
- complexité du processus de dotation.
La sous-traitance fait monter les coûts et baisser la qualité des services publics au Canada; elle réduit la transparence et la responsabilisation et entraîne une perte de compétences et de connaissances organisationnelles. L’étude du cas de SPC montre à l’évidence pourquoi l’article 30 doit être respecté.
Le manque de formation : une partie du problème
Le manque de compétences internes était la raison la plus fréquemment avancée pour justifier la sous-traitance. L’IPFPC est d’avis que le Ministère doit s’assurer que les membres CS reçoivent une formation adéquate, en temps opportun, pour répondre non seulement aux besoins actuels, mais aussi aux besoins technologiques futurs en soutien aux services publics. Investir dans les employés est un moyen rentable de garantir le maintien des connaissances et des compétences institutionnelles et d’aider le Ministère à suivre l’évolution constante des besoins en technologie.
Le coût élevé de la sous-traitance
Parmi les appels d’offres et les contrats examinés, les coûts étaient inconnus pour 14 contrats tandis que 56 étaient décrits comme des contrats du palier 1 (d’une valeur pouvait aller jusqu’à 3,75 M$ chacun) et 12 étaient du palier 2 (d’une valeur dépassant 3,75 M$). La valeur des 80 autres contrats que nous avons pu trouver parmi ces appels d’offres dépassait 390 M$.
Les besoins récurrents devraient être comblés avec des postes permanents et non par des contrats de sous-traitance.
Même si la plupart des contrats ont été conclus sur une période d’un an, beaucoup comportaient des dispositions de renouvellement susceptibles de les prolonger d’un an à six ans. 20 % des contrats avaient été conclus pour 4 à 5 ans. Dans de nombreux cas, un sous-traitant en place avait déjà fait le même travail. Un contrat a même duré 10 ans.
Beaucoup trop de travailleurs sous-traitants
Au cours de cette période, 779 sous-traitants ont été sollicités par appels d’offres, soit 779 ressources en personnel. Ce nombre élevé met évidemment en lumière le manque de personnel informatique nécessaire pour répondre aux besoins du Ministère. Les fonctions les plus sous-traitées par Services partagés du Canada durant cette période étaient celles des consultants, des analystes et de la sécurité. D’autres fonctions revenant normalement aux CS ont été sous-traitées : architecture, chefs de projets, programmeurs, administration, dépannage informatique et développement Web.
Manque d’efforts en matière de dotation à SPC
Entre novembre 2017 et mars 2020, on a examiné la quantité et les types d’offres d’emploi à Services partagés Canada sur le site Web du gouvernement du Canada.
Au cours de cette période, SPC a publié 52 offres d’emploi pour trouver environ 389 sous-traitants en sécurité, infrastructure, soutien technique, analyse, gestion de projets, dépannage informatique et administration des réseaux, de même que des chefs d’équipe.
Les niveaux CS-02 et CS-03 étaient concernés dans 74 % de ces annonces. Dans la plupart d’entre elles, il était indiqué que SPC allait créer un bassin de candidats pour d’autres projets. Même si l’IPFPC se réjouit de constater que plus de 50 % des annonces étaient diffusées au public, on voit quand même clairement que le ministère n’a pas l’intention d’embaucher d’employés permanents ou pour une durée déterminée pour réduire le nombre de ressources contractuelles ni de s’assurer que les professionnels de la fonction publique font jour après jour le travail exigé par SPC.
Malheureusement, les graphiques suivants, basés sur les tableaux de données, ne peuvent pas nous montrer clairement qu’il y a eu des tentatives de pourvoir des postes avec des employé•e•s permanents ou pour une durée déterminée pour éviter la sous-traitance. Cela s’explique principalement au fait que plus de 80 % des ressources contractuelles de SPC sont classées dans la catégorie des consultants; il n’y a aucun poste de consultant dans la fonction publique. La catégorie des consultants comprend un large éventail de compétences et de tâches impossibles à comparer aux descriptions de travail de la fonction publique. L’IPFPC estime que le nombre de sous-traitants employés constamment au ministère est trop élevé. On comptait 779 sous-traitants durant cette période, mais seulement 389 offres d’emploi permanent et pour une durée déterminée ont été publiées.
La convention collective doit être respectée
L’IPFPC est très déçu d’obtenir aussi peu de réponses à ses demandes d’information. Les griefs motivés par l’absence de réponses sont très nombreux à SPC et alourdissent inutilement la charge de travail de l’IPFPC et du Secrétariat du Conseil du Trésor du Canada (SCT).
L’IPFPC reconnaît que SPC est un ministère qui devrait s’assurer de toujours évaluer, adopter et utiliser les nouvelles technologies. La plupart du temps, pour y parvenir, il faut recourir à la sous-traitance afin d’intégrer l’ensemble des compétences nécessaires à cette fin. Malheureusement, les données montrent bien que certaines fonctions qui devraient être assumées par des professionnel•le•s de la fonction publique sont confiées à des sous-traitants. Prenons par exemple le travail relatif à la sécurité des systèmes de TI et des données qu’ils contiennent : ce travail doit être fait par des fonctionnaires, car il n’est pas temporaire et il est très important. S’il y avait atteinte à la sécurité, ce sont les professionnels de la fonction publique qui pourraient être tenus responsables, plutôt qu’un sous-traitant.
Bien que ce rapport ne traite pas de la formation, l’IPFPC considère que SPC devrait former ses employé•e•s en prévision des besoins futurs du gouvernement. La formation peut en effet contribuer à réduire la dépendance du gouvernement à l’égard de la sous-traitance.
Ce rapport interne montre hors de tout doute que SPC est l’un des principaux ministères fédéraux qui enfreignent l’article 30 de la convention collective du groupe CS. L’IPFPC s’engage à faire la lumière sur ce problème et à faire le nécessaire pour que la convention collective du Groupe soit respectée par tous les ministères et organismes.