L'Institut professionnel de la fonction publique du Canada

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Le groupe Systèmes d’ordinateurs (CS) de l’IPFPC s’efforce de faire appliquer l’article 30 de sa convention collective. Cet article stipule que l’employeur doit faire un effort raisonnable pour utiliser ses employé·e·s en poste ou embaucher des personnes qui occuperont un poste permanent ou pour une durée indéterminée, selon les besoins, avant de confier du travail en sous-traitance à des consultants ou à des sociétés privées. L’embauche de consultant·e·s par le gouvernement pour effectuer du travail informatique coûte cher et contribue à l’érosion de la mémoire institutionnelle. Malheureusement, malgré les nouvelles dispositions de la convention collective à cet égard, le gouvernement externalise d’importantes fonctions informatiques dans presque tous les ministères, au flagrant mépris de l’article 30. Le ministère de la Défense nationale (MDN) est l’un des ministères les plus délinquants à cet égard. La présente analyse porte sur les griefs de principe déposés à l’endroit du MDN entre janvier 2018 et mars 2020 concernant la sous-traitance du travail de TI qui aurait pu être fait à l’interne. Les données présentées prouvent que le MDN ne respecte pas l’article 30 de la convention collective du groupe CS.

En savoir plus sur le groupe CS, l’article 30 et l’Équipe d’action sur la sous-traitance

Méthodologie

Le groupe CS a analysé 194 appels d’offres ou contrats. Le Groupe a envoyé des demandes de renseignements par courrier électronique au Ministère concernant 174 de ces appels d’offres ou contrats, et demandé au Ministère de décrire les efforts raisonnables consentis pour respecter les dispositions sur la sous-traitance de la convention collective.

Refus de divulgation

Le groupe CS n’a reçu que 88 réponses sur ces 174 demandes, ce qui a donné lieu à 151 griefs liés à des contrats publiés pour cette période. Parmi les réponses reçues, le MDN a justifié ainsi la sous-traitance du travail de TI :

  • pas de compétences à l’interne pour effectuer le travail;
  • aucun financement réservé aux salaires de fonctionnaires;
  • problème de recrutement et de rétention dans le secteur d’activité CS;
  • processus de dotation trop long pour assurer le respect de l’échéancier des travaux;
  • nécessité d’augmenter le nombre de ressources humaines par des sous-traitants;
  • complexité du processus de dotation.

La sous-traitance fait monter les coûts, baisser la qualité des services à la population canadienne. Elle réduit la transparence et la responsabilisation et entraîne une perte de compétences et de connaissances organisationnelles.

Le manque de formation : une partie du problème

Le manque de compétences internes était la raison la plus fréquemment mentionnée par le MDN pour justifier l’externalisation du travail de TI. L’IPFPC est d’avis que le MDN a la responsabilité de donner aux membres CS une formation adéquate, en temps opportun, pour répondre non seulement aux besoins immédiats, mais également aux futurs besoins technologiques du soutien aux services publics. Investir dans le personnel est un moyen rentable de garantir le maintien des connaissances et des compétences institutionnelles et d’aider le Ministère à suivre l’évolution constante des besoins en technologie. La responsabilité d’assurer le financement de formations adéquates revient directement au MDN lors de l’élaboration des budgets annuels.

Le coût élevé du travail sous-traité

Parmi les appels d’offres et les contrats examinés:

  • 55 avaient des coûts d’une valeur inconnue;
  • 53 ont été décrits comme des contrats du palier 1 (ce qui signifie que leur valeur pourrait atteindre 3,75 M$ chacun);
  • 2 ont été décrits comme des contrats du palier 2 (ce qui signifie que leur valeur dépassait 3,75 M$ chacun).

La valeur des 80 autres contrats que nous avons pu trouver parmi ces appels d’offres dépassait 414 M$.

Il faudrait combler les besoins récurrents avec des postes permanents et non avec des contrats de sous-traitance.

Même si 40 % des contrats ont été conclus sur une période d’un an, 90 % comportaient des dispositions de renouvellement pouvant les prolonger d’un an à six ans. 10 % des contrats avaient été conclus pour 4 ans. De nombreux contrats servaient à remplacer d’autres soustraitant·e·s qui avaient fait le même travail. Certaines fonctions ont été externalisées pendant 10 ans ou plus et continuent de l’être.

Beaucoup trop de personnel sous-traitant

1316 sous-traitant·e·s (ou ressources en personnel) ont été recrutés dans le cadre d’appels d’offres analysés pendant la période étudiée. Ce nombre élevé met en évidence le manque de personnel informatique nécessaire pour répondre aux besoins du MDN. Le travail de TI le plus souvent donné en sous-traitance par le MDN pendant cette période concernait l’architecture, l’analyse et la sécurité. D’autres fonctions de CS, comme celles de chef de projet, de programmeur, de dépanneur et d’agent de soutien de réseau étaient fréquemment sous-traitées.

Efforts insuffisants en dotation au MDN

Entre novembre 2017 et mars 2020, on a examiné la quantité et la nature des offres d’emploi au MDN sur le site Web du gouvernement du Canada.

Au cours de cette période, le MDN a ainsi publié 26 annonces pour trouver environ 60 personnes dans les domaines de la sécurité, de la programmation, du soutien technique, de l’analyse, du dépannage, de l’analyse technique et de l’administration de réseaux.

Les niveaux CS-02 et CS-03 étaient concernés dans 82 % de ces annonces. Dans la plupart d’entre elles, il était indiqué que le MDN allait créer un bassin de candidats pour d’autres projets. Même si l’IPFPC se réjouit de constater que plus de 50 % des annonces étaient diffusées au public, on voit quand même clairement que le MDN ne pourvoit pas de postes permanents ou pour une durée déterminée pour réduire le nombre de sous-traitant·e·s, ce qui garantirait que ce sont les professionnel·le·s de la fonction publique qui font quotidiennement le travail exigé par le MDN.

Les tableaux suivants montrent clairement que le MDN n’a pas tenté de pourvoir les postes avec des employé·e·s permanent·e·s ou pour une durée déterminée et qu’il a préféré externaliser des compétences particulières. Par exemple, le MDN a fait appel à plus de 500 sous-traitant·e·s en architecture de réseau et n’a cherché que deux fois des employé·e·s permanent·e·s ou pour une durée déterminée dans ce domaine. L’IPFPC estime que le nombre de sous-traitant·e·s constamment employés au MDN est trop élevé. Le MDN arecruté1316 sous-traitant·e·s pendant cette période alors qu’il n’a recherché que 60 fonctionnaires permanents et pour une durée déterminée. Il est clair que le MDN n’essaie pas de recruter des employé·e·s, ni ne fait d’efforts raisonnables pour embaucher des employé·e·s permanents ou à durée déterminée pour faire le travail de TI dont il a besoin.

graph 1

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La convention collective doit être respectée

L’IPFPC a constaté un meilleur taux de réponse de la part du MDN depuis un an, même si les réponses du Ministère continuent de montrer qu’il fait peu d’efforts raisonnables, le cas échéant, d’embaucher des employé·e·s permanents ou pour une durée déterminée avant de recourir à la sous-traitance, comme l’exige la convention collective du groupe CS. Les griefs motivés par l’absence de réponses sont très nombreux au MDN et alourdissent inutilement la charge de travail de l’IPFPC et celle du Secrétariat du Conseil du Trésor du Canada (SCT).

Les données indiquent que le MDN préfère externaliser en continu le travail de TI, et ce, à des coûts exorbitants. La durée des contrats et le nombre de sous-traitant·e·s dont le travail est reconnu comme étant récurrent et permanent sont stupéfiants. Les données montrent que la plus grande partie du travail en sécurité informatique est externalisée. Le travail concernant la sécurité des systèmes informatiques et des données qu’ils hébergent devrait être effectué par des professionnel·le·s de la fonction publique. Ce travail n’est pas temporaire et il est très important. En cas de violation de la sécurité, la responsabilité pourrait incomber aux professionnel·le·s de la fonction publique, car avec l’externalisation, les sous-traitants ne peuvent être tenus responsable. 

Bien que ce rapport ne traite pas de la formation, l’IPFPC considère que le MDN devrait former ses employé·e·s de manière à pouvoir faire face aux besoins futurs du gouvernement. La formation pourrait effectivement contribuer à réduire la dépendance du gouvernement à l’égard de la sous-traitance.

Ce rapport interne montre hors de tout doute que le MDN arrive en deuxième place parmi les ministères qui enfreignent le plus l’article 30 de la convention collective du groupe CS. L’IPFPC s’engage à dénoncer ces problèmes et à recourir aux moyens nécessaires pour que la convention collective soit respectée par tous les ministères et toutes les agences.

Le groupe CS, l’article 30 et l’équipe d’action sur la sous-traitance

Le groupe CS représente environ 17 319 travailleurs des technologies de l’information (TI) employés par le Conseil du Trésor du Canada. Les membres du Groupe sont répartis dans 62 ministères fédéraux et dans chacune des ambassades canadiennes; ils participent à des missions opérationnelles dans le monde entier pour le ministère de la Défense nationale (MDN) et l’Agence spatiale canadienne (ASC).

Les technologies de l’information ont évolué et sont essentielles à toutes sortes de professions dans notre société. Le bon fonctionnement du gouvernement fédéral et de la collectivité dépend des systèmes et des logiciels qui sont étudiés, gérés et maintenus par les membres du Groupe. Ils protègent non seulement les systèmes, mais aussi les données qu’ils comprennent. La portée et l’importance de leur travail ont crû à une vitesse exceptionnelle, au rythme de l’évolution technologique propre à notre époque. Ils assurent des services de soutien, le développement d’architectures et d’applications, les opérations d’infrastructures, la gestion des bases de données et des projets, et la création de systèmes spécialisés. On les trouve un peu partout, des services de dépannage informatique aux solutions d’intelligence artificielle.

Tableau : Répartition des membres du groupe CS par ministère — Ministères comptant au moins 300 employés du groupe CS au 31 mars 2018

Ministère

Nombre de membres

Shared Services Canada / Services partagés Canada

3 595

National Defence / Défense nationale

1 904

Employment and Social Development Canada /

Emploi et Développement social Canada

1 454

Statistics Canada / Statistique Canada

789

Public Services and Procurement Canada /
Services publics et Approvisionnement Canada

650

Canada Border Services Agency / Agence des services frontaliers du Canada

624

Global Affairs Canada / Affaires mondiales Canada

455

Environment and Climate Change Canada /
Environnement et Changement climatique Canada

378

Health Canada / Santé Canada

371

Correctional Service Canada / Service correctionnel Canada

352

Innovation, Science and Economic Development Canada /
Innovation, Sciences et Développement économique Canada

342

Immigration, Refugees and Citizenship Canada /
Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada

327

Fisheries and Oceans Canada / Pêches et Océans Canada

300

Pendant la ronde de négociations de 2014, l’Institut a privilégié certains enjeux propres au groupe CS : la sous-traitance du travail dont devraient normalement s’acquitter les employés de l’État, le rôle des membres du Groupe dans la préservation des compétences et des connaissances institutionnelles en matière de changement technologique, ainsi que le règlement des problèmes de recrutement et de maintien en poste de professionnels hautement qualifiés en TI. L’article 30 de la convention collective du Groupe CS, intitulé « Sous-traitance », a été modifié.

L’équipe d’action sur la sous-traitance

Afin de s’assurer du respect de la nouvelle mouture de l’article 30, le Groupe a formé l’équipe d’action sur la sous-traitance (EAST). L’EAST examine chaque contrat lié aux TI publié par les ministères qui emploient des membres du Groupe. Après avoir étudié chaque contrat et cherché à savoir si le Ministère a respecté ou non les dispositions de la convention collective, l’EAST décide si un grief de principe doit ou non être déposé. Depuis sa mise sur pied en janvier 2018 jusqu’en septembre 2020, l’équipe a analysé plus de 1 850 offres et contrats de services.