L'Institut professionnel de la fonction publique du Canada

Introduction

Les résultats d’un sondage mené en 2017 auprès de scientifiques et d’ingénieurs fédéraux membres de l’IPFPC révèlent que les femmes ne peuvent pas facilement apporter leur perspective et leur expertise à la science publique fédérale. Leur rôle est maintenant au cœur des préoccupations de nombreuses instances locales et internationales, car la diversité des perspectives favorise l’excellence et l’innovation en recherche.

Sous-représentation dans les groupes scientifiques

Les femmes sont sous-représentées dans tous les groupes scientifiques de l’Institut. Peu de femmes s’engagent dans des carrières scientifiques; même que leur nombre dans deux des principaux groupes scientifiques (RE et AR-ACR) est inférieur au nombre de femmes qualifiées dans la population active. Dans de nombreux cas, il y a de moins de moins de femmes parmi les scientifiques haut placés. Moins de femmes que d’hommes scientifiques travaillent au gouvernement, sont disponibles sur le marché du travail, ou postulent pour des emplois scientifiques de haut niveau. Nous sommes en 2018; pourquoi en est-on encore là?

Moins d’intérêt pour les droits des femmes

Les membres de moins de 30 ans sont deux fois plus portés que les membres plus âgés à croire que les hommes sont favorisés lors du recrutement et de la présélection. Les générations plus agées pourraient avoir l’impression qu’il y a moins de préjugés sexistes aujourd’hui que par le passé. Le fait de croire que la discrimination sexuelle a diminué plus rapidement que ne le suggèrent les données objectives peut baisser l’intérêt général pour les droits des femmes et réduire les ressources affectées à la lutte contre l’inégalité.

Préjugés sexistes et égalité

Dans l’ensemble, 42 % des femmes estiment que les préjugés sexistes sont un obstacle à leur avancement professionnel et 27 % croient que les hommes sont favorisés pour les postes de direction. En 2017, près de 73 % des répondants au sondage du Groupe de travail syndical-patronal sur la diversité et l’inclusion dans la fonction publique ont mentionné que les préjugés sont l’obstacle principal à la diversité et à l’inclusion au travail. Pour vaincre ces préjugés, nous devons revoir cette notion du « bon candidat » et être conscients du choix par « ressemblance ».

Responsabilités envers les personnes à charge

Les femmes sont plus nombreuses à considérer que les responsabilités en matière de garde de personnes à charge constituent un obstacle à leur avancement professionnel, et moins nombreuses à s’estimer en mesure d’assumer à la fois leurs responsabilités familiales, personnelles et professionnelles. Elles continuent à porter de façon disproportionnée le fardeau des soins aux personnes à charge. Un plus grand changement culturel est nécessaire, non seulement dans le milieu de travail, mais dans la collectivité en général.

Mentorat et apprentissage

Vingt-trois pour cent des femmes estiment que l’accès insuffisant à des mentors est un frein majeur à l’avancement professionnel. Même si le mentorat et les modèles féminins encouragent considérablement les jeunes femmes à faire carrière en sciences, technologie, génie et mathématiques, la participation des hommes aux programmes de mentorat des femmes n’en est pas moins importante.

Recommandations

L’IPFPC compte lutter pour la cause des femmes en science :   

  1. en menant des campagnes de sensibilisation et de mobilisation revendiquant des améliorations législatives;
  2. en négociant collectivement des droits nouveaux et améliorés pour le milieu du travail;
  3. en appuyant les présidents d’équipe de consultation aux consultations syndicales-patronales afin d’obtenir des politiques nouvelles et améliorées en matière de ressources humaines;
  4. en élaborant et en menant des campagnes de sensibilisation et de formation pour ses membres.

Conclusion

La valeur de la diversité en science va au-delà des avantages pour les divers groupes eux-mêmes; en effet, « l’élimination des préjugés sexistes peut ouvrir de nouveaux horizons pour la science et l’ingénierie, ainsi que de nouvelles questions et missions »{1>. La diversité est un fait et l’inclusion est un choix; et l’IPFPC est prêt à collaborer avec le gouvernement fédéral pour que les bons choix soient faits.

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Table des matières

1. Introduction : Pleins feux sur les femmes en science dans le secteur public

2. Répartition actuelle des membres scientifiques de l’IPFPC par sexe

3. Constatations comparatives entre les sexes du Sondage de 2017 sur la science

3.1 Préjugés sexistes

3.2 Responsabilités envers les personnes à charge et équilibre entre la vie professionnelle et la vie privée

3.3 Mentorat et apprentissage

4. L’embauche en bref

5. Bilan de l’équité en matière d’emploi

6. Nécessité de tenir compte du point de vue des membres de l’IPFPC

7. Conclusions

Annexe A

Annexe B

Bibliographie

1. Introduction : Pleins feux sur les femmes en science dans le secteur public

Partout au Canada, les femmes dans la société est un sujet qui alimente bon nombre de conversations. Le rôle des femmes en science, entre autres, fait l’objet d’un important débat. En 2017, la ministre fédérale des sciences, Kirstie Duncan, a souligné la nécessité d’avoir plus de femmes dans les domaines scientifiques traditionnellement dominés par les hommes. La ministre a lancé la campagne « Optez pour les sciences » afin d’encourager les jeunes femmes à faire carrière dans le domaine des sciences. Aussi en 2017, le Canada a été l’hôte de l’événement annuel international Gender Summit (sommet sur le genre), où des représentantes de l’IPFPC et 675 autres défenseurs de l’égalité des sexes se sont penchées sur les moyens d’accroître la participation des femmes dans les domaines scientifiques[1] L’amélioration du rôle des femmes en science est maintenant au cœur des préoccupations de nombreux intervenants au Canada et dans le monde, car la diversité des perspectives favorise l’excellence et l’innovation en recherche.

L’IPFPC est d’ailleurs une voix importante dans les discussions à ce sujet, car il représente l’effectif scientifique le plus important au Canada, avec plus de 16 000 scientifiques du gouvernement fédéral. Ceux-ci assurent la salubrité des aliments que nous consommons, l’innocuité des médicaments et des produits de santé que nous prenons, la propreté de l’air que nous respirons et de l’eau que nous buvons, la sécurité des jouets avec lesquels nos enfants jouent, la santé de la faune, l’état général de notre environnement naturel et l’innovation scientifique, indispensables aux Canadiens et à l’économie.  

La diversité ajoute de la valeur à la science publique. Des perspectives diverses favorisent de nouvelles façons d’envisager les défis et de trouver des solutions novatrices. L’accroissement des débouchés pour les femmes scientifiques amènera des points de vue diversifiés dans les prises de décisions, l’établissement des politiques et la recherche financée par l’État, ce qui améliorera en retour les services publics offerts aux Canadiens. 

L’IPFPC est déterminé à trouver des moyens d’accroître le rôle que jouent les femmes dans la science publique fédérale. Le plan stratégique et opérationnel 2017-2019 du Comité consultatif des sciences pour la science dans le secteur public a ainsi déterminé qu’il fallait en savoir plus sur les difficultés auxquelles font face les femmes en science.

Pour les besoins du présent rapport, l’IPFPC a réalisé ce qui suit :

  • un sondage auprès de plus de 16 000 scientifiques du secteur public;
  • une analyse de la base de données des membres de l’IPFPC pour cerner des données et des tendances relatives aux rôles sexospécifiques et scientifiques;
  • une analyse des données des concours gouvernementaux d’embauche de scientifiques.  

2. Réparatition actuelle des membres scientifiques de l'IPFPC par sexe

L’IPFPC représente actuellement six groupes de négociation de ministères et organismes fédéraux à vocation scientifique. L’annexe A fait état de ces groupes et de la répartition par sexe et niveau de classification dans ces groupes. L’IPFPC avance en terrain inconnu, car il ne recueille pas encore de données de déclaration volontaire sur ses membres en fonction des groupes visés par l’équité en matière d’emploi et des motifs de protection des droits de la personne[2]. Il faut des déclarations volontaires plus solides pour faire des analyses plus robustes. Bien que le présent rapport soit axé sur les femmes, le Comité consultatif des sciences de l’IPFPC demeure engagé dans un militantisme intersectionnel[3]. L’amélioration de notre approche intersectionnelle dans nos futures recherches, appuyée sur des déclarations volontaires plus solides, fera en sorte que nous ne perdrons pas de vue les bases qui peuvent être d’une importance primordiale pour les groupes marginalisés.

En général, les femmes sont sous-représentées dans tous les groupes scientifiques principaux. Le groupe Recherche (RE) et le groupe Conseil national de recherche – Agents de recherche et agents du Conseil de recherche (CNRC-AR/ACR) ont les écarts les plus importants entre le nombre de femmes actuellement membres du syndicat et la disponibilité des femmes sur le marché du travail[4]. Le nombre de femmes dans ces groupes est beaucoup moins élevé que ce à quoi on pourrait s’attendre si on le compare au nombre de femmes qualifiées dans la population active.

Il y a souvent de moins en moins de femmes que d’hommes à mesure que l’on monte dans la hiérarchie des postes. Bien que cette situation soit insatisfaisante, elle correspond au problème bien documenté du « pipeline qui fuit », c’est-à-dire la participation décroissante des femmes en science, en technologie, en ingénierie et en mathématiques (STIM) depuis l’enseignement primaire jusqu’à l’université , dans les carrières scientifiques et dans les postes de direction[5]. La disproportion du nombre de membres de l’IPFPC selon le sexe et le niveau de classification montre la nécessité de réduire la ségrégation horizontale des femmes dans les postes et les secteurs traditionnellement dominés par les hommes et la ségrégation verticale des femmes dans les niveaux hiérarchiques[6].

Il est intéressant de noter que le niveau de classification le plus élevé de certains groupes scientifiques (SP, ACIA-S&A) montre plus d’égalité entre les hommes et les femmes. Il existe souvent un nombre limité de postes au sommet, où les bassins de candidats sont plus vastes. Une question se pose donc : pourquoi, dans certains groupes scientifiques, les femmes et les hommes sont-ils presque également représentés dans les plus hauts rangs tandis que les postes de niveau intermédiaire ou inférieur présentent encore des écarts importants?

3. Constatations comparatives entre les sexes du Sondage de 2017 sur la science

Au printemps de 2017, l’IPFPC a mené un sondage auprès des membres qui travaillent dans les domaines scientifiques, portant sur des sujets tels que le droit des scientifiques de s’exprimer, les compressions budgétaires dans les ministères et les problèmes d’égalité hommes-femmes. Cela faisait suite à un premier sondage mené en 2013 et qui a fourni des éléments probants pour deux rapports influents[7]. Un rapport comparatif sur les résultats du sondage de 2017 a été publié[8]. Le sondage de 2017 a été envoyé par courriel entre le 29 mai et le 27 juin à 16 377 membres des groupes du génie et des sciences de l’IPFPC, et 3 025 membres y ont répondu (taux de participation de 18,5 %). Le rapport est axé sur trois grands problèmes auxquels les femmes font face dans le domaine des sciences : les préjugés sexistes, les responsabilités envers les personnes à charge et l’équilibre entre la vie professionnelle et la vie personnelle. 

Dans le sondage de 2017, on a demandé aux membres de l’IPFPC de s’identifier comme membre d’un groupe visé par l’équité en matière d’emploi. Par sexe, 38 % des répondants se sont identifiés comme femmes, 58 % comme hommes, 3 % ont préféré ne pas s’identifier et 0,3 % (8 répondants) étaient de sexe non binaire. Dans l’ensemble, 1 % des répondants se sont identifiés comme membres d’une Première Nation ou Autochtones, 17 % ont déclaré faire partie d’une minorité visible, 3 % se sont identifiés comme personnes handicapées et 80 % ont déclaré ne faire partie d’aucune de ces minorités. À l’avenir, on pourrait ajouter d’autres catégories d’identité sociale telles que l’orientation sexuelle afin d’effectuer une analyse intersectionnelle plus rigoureuse qui pourrait révéler d’autres domaines d’inégalité. Par âge, 4 % des répondants avaient moins de 30 ans, 21 % étaient âgés de 30 à 39 ans, 32 % de 40 à 49 ans, 32 % de 50 à 59 ans et 11 % de 60 ans ou plus.

Les hommes et les femmes n’ont pas exactement la même perception à l’égard des préjugés sexistes au travail. Bien que la plupart des répondants conviennent que les femmes et les hommes sont traités sur le même pied au travail, il convient de noter que chez les répondants qui ne croient pas en cette parité, les femmes estiment que les hommes reçoivent un traitement de faveur au travail et les hommes sont d’avis que ce sont les femmes qui reçoivent un tel traitement de faveur. Ce contraste de perspective est conforme à une récente recherche [9]qui montre qu’un groupe dominant a tendance à percevoir la progression d’un groupe subordonné comme une menace à sa domination[10]. Cette perception n’est pas sans fondement; de tout temps les hommes ont profité de l’inégalité des sexes, et les efforts déployés pour reconstruire les systèmes sociaux de telle sorte que les femmes et les hommes soient plus égaux détruiront les privilèges des hommes[11]. Le mythe du jeu à somme nulle, selon lequel tout ce qui est gagné par une partie est perdu par l’autre, alimente la résistance à l’égalité des sexes [12]. Il indique également qu’il faut mieux comprendre les préjugés inconscients et les répercussions actuelles de l’exclusion traditionnelle des femmes des milieux de travail scientifiques.

On a constaté des différences de perception en fonction de l’âge : les membres plus âgés perçoivent moins la discrimination sexuelle en milieu de travail que les jeunes. Par exemple, les membres de moins de 30 ans sont deux fois plus portés que les membres plus âgés à croire que les hommes sont favorisés et bénéficient d’un traitement préférentiel dans les processus de recrutement et de sélection. En fait, il est fort probable que les répondants plus âgés étaient des hommes; en effet, seulement 37 % des répondants de plus de 30 ans étaient des femmes, tandis que 59 % des répondants de moins de 30 ans étaient des femmes.

Des recherches récentes confirment cette différence de perception en fonction de l’âge >[13]. Les générations plus âgées pourraient généralement avoir l’impression qu’il y a moins de préjugés sexistes aujourd’hui que par le passé tandis que la jeune génération se montre plus sensibilisée à cet égard. Des recherches indiquent également que les hommes et les femmes ont l’impression que la discrimination sexuelle a diminué plus rapidement que ne le suggèrent les données objectives[14], ce qui pourrait conduire à un affaiblissement des préoccupations à l’égard des droits des femmes ainsi que des ressources allouées à la réduction de l’inégalité entre les sexes.

3.1 Préjugés sexistes               

Le sondage a porté entre autres sur la perception de préjugés sexistes, notamment au chapitre des processus de recrutement et de sélection, l’évaluation du rendement et les possibilités d’occuper un poste de direction. Dans l’ensemble, 42 % des femmes estiment que les préjugés sexistes font obstacle à leur avancement professionnel et une femme sur quatre (27 %) croit que les hommes sont favorisés lorsque vient le temps de pourvoir des postes de direction. Les préjugés dans les lieux de travail du gouvernement fédéral ont récemment été examinés à fond par le Groupe de travail conjoint syndical-patronal sur la diversité et l’inclusion dans la fonction publique. Le sondage mené par le groupe de travail en 2017 a montré que les préjugés sont l’obstacle principal à la diversité et à l’inclusion en milieu de travail (73 %). Le rapport souligne ceci :

Il existe des preuves et il règne une impression générale… que les politiques et les pratiques de recrutement et de gestion des personnes entravent la réalisation de progrès en matière de diversité et d’inclusion. Par exemple, près du quart des fonctionnaires (23 %) sont convaincus que les processus de sélection suivis dans leur unité ne sont pas justes, selon le dernier Sondage auprès des fonctionnaires fédéraux[15].

Pour vaincre les préjugés, nous devons nous livrer à une réflexion critique sur la notion que nous savons déjà qui est un « bon candidat » et prendre conscience de notre désir de s’entourer de gens qui nous « ressemblent »[16]. Pour accueillir vraiment la diversité et cultiver un milieu de travail inclusif, tous les employés devraient être encouragés à s’investir dans le milieu des sciences et de la recherche, avec leurs expériences culturelles et sexospécifiques.

3.2 Responsabilités envers les personnes à charge et équilibre entre la vie professionnelle et la vie privée

Le sondage comportait des questions sur les responsabilités envers les personnes à charge et notre analyse nous a permis de constater des différences importantes en fonction du sexe. Même si les femmes et les hommes sont tout aussi susceptibles de déclarer qu’ils ont la responsabilité première des personnes à charge (p. ex., les enfants), les femmes sont nettement plus susceptibles que leurs collègues masculins d’indiquer que les responsabilités en matière de garde de personnes à charge constituent un obstacle à leur avancement professionnel. De plus, les femmes sont beaucoup moins nombreuses que les hommes à s’estimer en mesure d’assumer à la fois leurs responsabilités familiales, personnelles et professionnelles. Environ 10 % de plus d’hommes que de femmes affirment que les responsabilités qu’ils ont envers les personnes à leur charge ne font pas obstacle à leur avancement professionnel (58 % contre 49 %). En général, on reconnaît de plus en plus que les hommes doivent assumer davantage de responsabilités à l’égard des personnes à leur charge[17], car le travail de garde et de soin a toujours été considéré comme la responsabilité des femmes. Nos conclusions montrent que les femmes continuent à porter de façon disproportionnée le fardeau des soins aux personnes à charge et que l’on pourrait faire plus pour provoquer un changement culturel non seulement dans le milieu de travail mais dans la collectivité en général.

3.3 Mentorat et apprentissage

L’analyse de notre sondage sur les sciences a permis de constater qu’une femme sur quatre (23 %) estime que l’accès insuffisant à des mentors est un frein majeur à son avancement professionnel. Les femmes sont 8 % plus nombreuses que les hommes à indiquer qu’il s’agit d’un obstacle. L’importance du mentorat et des modèles pour la croissance de la participation des femmes à la vie scientifique a été bien expliquée par le Comité permanent de la condition féminine dans son récent rapport sur les femmes dans les métiers spécialisés et en STIM[18]. Même si le mentorat offert par des femmes et les modèles de femmes ont une importance vitale pour encourager les jeunes femmes à faire carrière en STIM, la participation des hommes aux programmes de mentorat a également une importance critique.

En résumé, les principaux résultats du sondage sur la science se présentent comme suit :

  • un plus grand nombre de femmes que d’hommes croient que les responsabilités à l’égard des personnes à leur charge constituent un obstacle à leur avancement professionnel;
  • 42 % des femmes considèrent que les préjugés sexistes sont un obstacle à un plus grand nombre de femmes que d’hommes croient que les responsabilités à l’égard des personnes à leur charge constituent un obstacle à leur avancement professionnel;
  • 27 % des femmes estiment que les hommes sont favorisés lorsque vient le temps de pourvoir des postes de direction;
  • une femme sur quatre estime que l’accès insuffisant à des mentors est un frein majeur à un plus grand nombre de femmes que d’hommes croient que les responsabilités à l’égard des personnes à leur charge constituent un obstacle à leur avancement professionnel;

4. L’embauche en bref

Afin d’explorer davantage les questions d’embauche et de promotion des scientifiques du secteur public fédéral, l’IPFPC a présenté une série de demandes d’accès à l’information et de protection des renseignements personnels (AIPRP) aux ministères et aux organismes à vocation scientifique[19]. Les données de l’annexe B sur les processus d’embauche annoncés de scientifiques dans les groupes professionnels SP et RE (les deux groupes scientifiques les plus importants de l’IPFPC) au cours des cinq dernières années proviennent des demandes d’AIPRP présentées à deux grands ministères fédéraux : Ressources naturelles Canada (RNCan) et Agriculture et Agroalimentaire Canada (AAC). Cet exercice a donné des résultats précieux qui enrichissent la comparaison de nos membres aux estimations de disponibilité des femmes scientifiques sur le marché du travail. Par contre, l’identification par sexe pour les besoins de l’équité en matière d’emploi est malheureusement facultative.

L’analyse que nous avons faite de ces données nous a permis de constater que, lorsque le sexe de tous les candidats est connu (RNCan), moins de femmes que d’hommes parviennent à des niveaux de classification supérieurs (tableau 3). Bien que cette situation soit souvent attribuée au fait qu’il y a moins de candidates disponibles sur le marché du travail, les raisons données dans notre analyse valent la peine d’être examinées. Trop souvent, les candidates ne satisfont pas aux exigences de qualification en raison d’une interruption d’emploi pour des responsabilités familiales et de garde de personnes à charge. De plus, elles ont moins d’accès ou pas d’accès du tout au mentorat et au parrainage. Une recherche a fait état d’un préjugé qui pousse les employeurs à embaucher des hommes pour leur potentiel plutôt que des femmes pour leur expérience[20]. C’est-à-dire que les hommes sont embauchés en fonction d’une impression de leur apport futur, tandis que les femmes doivent prouver qu’elles sont qualifiées en fonction de leurs réalisations passées. Des études expliquent également cette constatation comme résultant de l’écart de confiance entre les femmes et les hommes. L’écart de confiance est l’expression utilisée pour décrire la façon dont les femmes peuvent être freinées par des niveaux plus élevés de doute que leurs collègues masculins[21]. Cependant, d’autres sources prétendent que la notion d’écart de confiance applique une « dangereuse logique de choix » aux systèmes structurels de marginalisation[22].

Il est intéressant de noter qu’une comparaison entre le rapport « nombre total de candidats/nombre de candidats qualifiés » et le rapport « nombre total de candidates/nombre de candidates qualifiées » montre que les femmes sont plus susceptibles d’être des candidates qualifiées que les hommes (tableau 2). Cette constatation est également conforme à la notion d’écart de confiance et à une récente recherche montrant que les femmes sont plus susceptibles que les hommes de percevoir les exigences de qualification et les processus d’embauche comme étant rigides. On a également constaté que les femmes sont plus sujettes à la pression sociale qui pousse à suivre les règles et que, par conséquent, elles peuvent avoir tendance à ne présenter leur candidature à des postes que si elles satisfont aux exigences les plus strictes alors que les hommes éprouvent moins de contraintes[23].

5. Bilan de l’équité en matière d’emploi

Assurer la représentation équitable des quatre groupes visés par l’équité en matière d’emploi, à savoir les femmes, les Autochtones, les personnes handicapées et les minorités visibles, continue à relever du défi pour les employeurs du secteur public fédéral. Comme le souligne la Commission canadienne des droits de la personne (CCDP), la croissance démographique constante des groupes désignés a une incidence sur les mesures prises pour éliminer les écarts de représentation[24].

Le Canada a été louangé en 1986 pour avoir mis en place une législation progressive sur l’équité en matière d’emploi en promettant une « égalité de résultats plutôt qu’une simple égalité juridique formelle[25]. S’appliquant aux employeurs relevant de la compétence fédérale dans sa première version, la Loi sur l’équité en matière d’emploi a ensuite été élargie pour englober la fonction publique fédérale. Même si la mise en œuvre de la Loi a permis d’accroître les taux de représentation des quatre groupes désignés, il faudra encore beaucoup de travail pour arriver à une égalité réelle dans les possibilités d’emploi et améliorer la culture du milieu de travail. La Loi exige que les employeurs prouvent qu’ils essayent de faire correspondre la représentation de chaque groupe désigné aux estimations de la disponibilité sur le marché du travail.

Les données et les résultats de notre propre sondage montrent que nous n’atteignons pas vraiment l’égalité dans l’embauche de femmes pour les postes scientifiques du secteur public. L’objectif déclaré du secteur public, à savoir embaucher des femmes scientifiques en nombre suffisant pour répondre à une norme arbitraire de 20 à 40 % des femmes scientifiques disponibles sur le marché du travail, est un objectif d’équité nébuleux, qui n’est pas assez ambitieux pour arriver à une véritable égalité. De plus, les données sur la disponibilité sur le marché du travail ne sont pas assez détaillées pour déterminer les niveaux auxquels les femmes scientifiques sont employées et n’indiquent pas si elles occupent des postes de classifications inférieures à celles de leurs homologues masculins. Des données plus détaillées et ciblées devraient être recueillies pour permettre aux chercheurs et aux analystes des politiques de bien comprendre si les objectifs d’équité en matière d’emploi sont atteints et comment ils le sont.

La Loi actuelle comporte plusieurs autres faiblesses. Ainsi, la culture du milieu de travail n’est pas évaluée dans le processus de vérification de la conformité à l’équité en matière d’emploi. Comme l’explique Carol Agócs, « la législation actuelle ne traite pas adéquatement les pratiques informelles du milieu de travail Il faudrait examiner davantage les répercussions des pratiques informelles en milieu de travail pour une politique d’équité en matière d’emploi[26]. » [Traduction]

L’échantillon de données sur l’embauche mentionné plus haut soulève la question de savoir pourquoi les candidates n’indiquent pas leur sexe lorsqu’elles postulent un emploi scientifique au gouvernement et porte à se demander si l’équité en matière d’emploi est considérée par les candidates et les comités d’embauche comme une façon de contourner un processus plus neutre fondé sur le mérite. L’incompréhension relative au but et à l’application de l’équité en matière d’emploi est très répandue. La Commission canadienne des droits de la personne (CCDP) décrit les idées fausses concernant l’équité, que l’on retrouve dans les audits ministériels de l’équité en matière d’emploi, comme un problème important qui nuit à la capacité des ministères d’atteindre les objectifs d’équité. Par exemple, nombreux sont ceux qui pensent, même aux échelons supérieurs, que l’équité en matière d’emploi compromet le principe du mérite, ce qui mène à une réticence à s’auto-identifier, même au niveau EX, en raison de l’impression d’impact négatif sur l’avancement professionnel[27]. L’importance accordée à la diversité et à l’inclusion ne désavantage pas « les personnes non diversifiées »[28] et cela révèle une occasion pour l’IPFPC d’offrir et d’encourager la formation sur l’équité en matière d’emploi.

L’approche numérique de l’équité en matière d’emploi est également déphasée par rapport aux approches plus intersectionnelles visant à créer une main-d’œuvre diversifiée et inclusive. « Peut-être que ce qu’il y a de plus grave est le risque qu’un mécanisme de « comptage » suppose que, si les nombres d’employés correspondent à la population environnante, le problème de l’équité a été réglé de manière satisfaisante. » [Traduction][29]. Même si le plus simple indicateur de progrès peut-être le taux de représentation[30], ce n’est pas le plus progressiste. Le fait d’atteindre des nombres cibles seulement ne provoquera pas un changement de culture et pourrait en fait renforcer l’idée que l’équité en matière d’emploi est un moyen de contourner un processus d’embauche équitable.

 Le gouvernement est tenu d’examiner la Loi tous les cinq ans; toutefois il n’y a pas eu d’examen de la Loi depuis 2002[31]. Le prochain examen devrait se pencher sur les problèmes signalés ici.

6. Nécessité de tenir compte du point de vue des membres de l'IPFPC

Pendant que nous faisions notre analyse pour le présent rapport, il est devenu évident que la question des femmes scientifiques touche tous nos membres (femmes, hommes et personnes au genre non conforme) des groupes scientifiques de l’IPFPC ainsi que les membres d’autres groupes qui sont des alliés. Comme membres du syndicat, bon nombre d’entre nous ont une expérience considérable de la condition féminine en sciences ou du travail avec des femmes en sciences, et nous avons des idées sur les mesures qui doivent être prises pour améliorer la situation dans nos milieux de travail et dans la société en général. Les membres de l’IPFPC veulent faire partie d’un changement positif à l’avenir. C’est pourquoi, nous avons encouragé les membres de l’IPFPC à faire partie de l’initiative Les femmes en science et nous avons recueilli les points de vue des membres pour les inclure dans ce rapport.

Tenue parallèlement à l’Assemblée générale annuelle (AGA) 2016 de l’IPFPC, la première rencontre Les femmes en science (LFS) a fait salle comble et les membres présentes avaient à cœur de parler de leur expérience et de leurs idées sur ce que devrait comprendre l’initiative. Ensuite, le noyau de l’initiative LFS a créé un groupe de plus de 70 membres qui ont été invitées à participer à une série de téléconférences pour discuter des conclusions de notre analyse et structurer le présent rapport. Au milieu de l’année 2017, deux groupes spéciaux ont été formés : une équipe de rédaction pour travailler aux ébauches du rapport et une équipe distincte pour planifier les activités de l’initiative LFS pour l’AGA 2017 de l’IPFPC.

Le groupe LFS a organisé deux activités à l’AGA de 2017. L’atelier déjeuner, destiné aux femmes et aux personnes non binaires ou transidentitaires travaillant dans le domaine scientifique, a attiré 20 personnes séparées en petits groupes de discussion dirigée portant sur les enjeux clés et les perspectives d’avenir. L’atelier dîner dirigé par des femmes et destiné aux alliés de tous les sexes a attiré 50 membres qui ont entendu parler des difficultés soulevées à l’atelier déjeuner et ont participé à des discussions en petits groupes en vue de déterminer des mesures ciblées et de bâtir une responsabilité collective pour l’initiative. Après l’AGA 2017, un sondage a été envoyé aux personnes qui ont participé à l’atelier déjeuner afin de recueillir des histoires et des expériences qui pourraient accompagner le présent rapport de façon anonyme.

L’apport des membres de l’IPFPC a été essentiel à la rédaction de ce rapport et dans la formulation des recommandations de mesures que nous pensons être réalisables. Le groupe LFS se propose de garder le dialogue ouvert avec les membres de l’IPFPC, en plus d’accueillir de nouveaux membres. Le Groupe souhaite aussi continuer à discuter et à mettre en œuvre les mécanismes nécessaires à l’élaboration des politiques et des recommandations sur les questions soulevées.

7. Conclusions

La recherche montre clairement que la lutte contre l’inégalité entre les sexes et la promotion de milieux de travail diversifiés passent par l’intégration générale du concept de genre. L’attention accordée à l’objectif de l’égalité des sexes devrait être un thème important dans toutes les activités d’une organisation, et non pas un élément isolé[32]. Bien qu’il y ait plus de femmes que jamais qui font carrière en science, il reste encore beaucoup de travail à faire pour atténuer les préjugés sexistes et éliminer les obstacles auxquels les femmes font face dans leur avancement professionnel. Notre analyse du sondage des membres scientifiques de l’IPFPC nous a permis de constater que :

  • un plus grand nombre de femmes que d’hommes croient que les responsabilités à l’égard des personnes à leur charge constituent un obstacle à l’avancement professionnel;
  • 42 % des femmes considèrent que les préjugés sexistes font obstacle à leur avancement professionnel;
  • 27 % des femmes estiment que les hommes sont favorisés lorsque vient le temps de pourvoir des postes de direction;
  • une femme sur quatre estime que l’accès insuffisant à des mentors est un frein majeur à leur avancement professionnel;
  • les femmes sont plus susceptibles d’être des candidates qualifiées que les hommes, ce qui est conforme à une récente étude indiquant que les femmes sont plus enclines que les hommes à suivre les règles et à considérer que les exigences de qualification sont rigides.

En tant que syndicat, l’IPFPC cherche à favoriser des changements pour les femmes en science de quatre manières : 1) en menant des campagnes de sensibilisation et de mobilisation pour l’adoption de lois nouvelles ou meilleures pour le milieu du travail; 2) en négociant collectivement des droits nouveaux et améliorés pour le milieu du travail; 3) en appuyant les présidents de consultation aux consultations syndicales-patronales afin d’obtenir des politiques nouvelles et améliorées en matière de ressources humaines ; 4) en élaborant et en menant des campagnes de sensibilisation pour les membres de l’IPFPC. Un plan d’action a été proposé à cette fin à l’IPFPC et comporte principalement la négociation d’horaires de travail flexibles et de possibilités de télétravail, des stratégies visant à vaincre les préjugés dans le processus d’embauche et une demande d’examen de la Loi sur l’équité en matière d’emploi.

En tant que syndicat, l’IPFPC est bien placé pour prendre l’initiative d’améliorer la participation des femmes aux activités scientifiques du secteur public fédéral et travaille avec les membres du groupe Les femmes en science sur les questions d’égalité des sexes. La valeur de la diversité en science va au-delà des avantages pour les divers groupes eux-mêmes; en effet, l’élimination des préjugés sexistes peut ouvrir de nouveaux horizons pour la science et l’ingénierie, ainsi que de nouvelles questions et missions[33]. La diversité est un fait et l’inclusion est un choix, et l’IPFPC est prêt à collaborer avec le gouvernement fédéral pour que les bons choix soient faits.

 

Annexe A

Membres scientifiques de l'IPFPC, % de femmes

 

Nombre total de membres

% Femmes

Nbre d’hommes

% Femmes

RE

2 378

724

1654

30,4 %

SP

7 350

3820

3530

52,0 %

ACIA-S et A

1 131

674

457

59,6 %

ACIA-VM

546

246

300

45,1 %

CNRC AR-ACR

1 456

338

1118

23,2 %

NUREG

691

312

379

45,2 %

Nbre total de membres scientifiques

13 552

6114

7438

45,1 %

 

Membres scientifiques de l'IPFPC par niveau de classification, % de femmes

Niveau de classification

RE

SP

ACIA-S et A

ACIA-VM

CNRC AR-ACR

NUREG

1

33,3 %

54,5 %

42,9 %

37,1 %

9,1 %

75,0 %

2

37,4 %

54,2 %

63,1 %

43,0 %

35,6 %

80,0 %

3

33,5 %

52,6 %

57,0 %

55,0 %

34,0 %

85,9 %

4

27,9 %

52,9 %

60,3 %

63,5 %

20,6 %

44,8 %

5

18,7 %

52,0 %

54,4 %

33,3 %

0,0 %

53,1 %

6

22,9 %

32,3 %

60,6 %

 

 

40,9 %

7

0,0 %

37,9 %

66,7 %

 

 

28,0 %

8

 

61,5 %

 

 

 

0,0 %

Certaines données sur la classification des membres n’étant pas disponibles, il y a quelques écarts entre les totaux du premier tableau et la répartition par niveau de classification du deuxième tableau.

 

Annexe B

Tableau 1: candidatas par classification et par niveau                                                                                                                                                                                             Processus d'embauche annoncés des groupes RE et SP, 2012-2016                                                                                                                                                                                    Agriculture et Agroalimentaire Canada

Groupe

Classification

Niveau

Nbre de candidates auto-identifiées

Nbre de candidats auto-identifiés

Nbre de candidats et candidates non auto -identifiés

% de candidates auto-identifiées

SP

BI

1

11

29

26

16.7%

SP

BI

2

57

83

103

23.5%

SP

BI

3

31

14

35

38.8%

SP

BI

5

4

1

4

44.4%

SP

CH

2

7

9

2

38.9%

SP

CH

3

38

49

60

25.9%

SP

CH

4

0

0

85

0.0%

SP

PC

1

5

7

24

13.9%

SP

PC

2

7

14

10

22.6%

SP

PC

3

0

0

3

0.0%

SP

PC

5

16

17

58

21.3%

RE

SE-REM

2

7

5

22

20.6%

RE

SE-RES

1

60

34

184

21.6%

RE

SE-RES

2

96

215

304

15.6%

RE

SE-RES

3

86

85

145

27.2%

RE

SE-RES

4

3

12

11

11.5%

RE

SE-RES

5

6

6

5

35.3%

 

Tableau 2: candidats qualifiés et retenus par sexe                                                                                                                                                                                             Processus d'embauche annoncés des groupes RE et SP, 2012-2016                                                                                                                                                                                    Agriculture et Agroalimentaire Canada

Nbre total de candidats, 2012-2016

Classification

 % de candidats qualifiés

 % de candidates qualifiées

 % de candidats de sexe inconnu qualifiés

 % de candidats retenus qualifiés

 % de candidates retenues

 % de candidats de sexe inconnu retenus

SP

(moyenne)

9,4 %

14,6 %

10,6 %

28,8 %

21,4 %

49,7 %

SP

AC

7,0 %

9,1 %

6,1 %

50,0 %

16,7 %

33,3 %

SP

BI

9,2 %

14,8 %

17,7 %

22,5 %

32,5 %

45,0 %

SP

CH

0,0 %

6,7 %

6,1 %

0,0 %

22,2 %

77,8 %

SP

PC

21,6 %

27,9 %

12,5 %

42,9 %

14,3 %

42,9 %

RE

(moyenne)

11,0 %

17,9 %

18,4 %

18,3 %

23,7 %

58,0 %

RE

SE-REM

15,4 %

21,4 %

26,8 %

20,0 %

20,0 %

60,0 %

RE

SE RES

6,6 %

14,4 %

9,9 %

16,7 %

27,4 %

56,0 %

 

Tableau 3: candidats retenus par sexe                                                                                                                                                                                                                  Processus d'embauche annoncés des groupes RE et SP, 2012-2016                                                                                                                                                                                    Agriculture et Agroalimentaire Canada

Groupe

Classification

Niveau

Hommes

Femmes

% de femmes auto-identifiées

Total

SP

BI

1

39

63

61.8%

102

SP

BI

2

30

9

23.1%

39

SP

BI

3

1

0

0.0%

1

SP

BI

5

2

0

0.0%

2

SP

CH

1

0

2

100.0%

2

SP

CH

2

1

1

50.0%

2

SP

CH

3

1

0

0.0%

1

SP

CH

4

2

0

0.0%

2

SP

FO

1

11

15

57.7%

26

SP

FO

2

8

1

11.1%

9

SP

FO

3

11

1

8.3%

12

SP

FO

4

1

0

0.0%

1

SP

PC

1

109

74

40.4%

183

SP

PC

2

92

83

47.4%

175

SP

PC

3

13

10

43.5%

23

SP

PC

4

6

10

62.5%

16

SP

PC

5

6

1

14.3%

7

SP

SG

3

2

1

33.3%

3

SP

SG

4

4

2

33.3%

6

SP

SG

5

1

0

0.0%

1

SP

SG

7

1

0

0.0%

1

RE

SE-REM

1

2

0

0.0%

2

RE

SE-REM

2

19

6

24.0%

25

RE

SE-RES

1

71

31

30.4%

102

RE

SE-RES

2

34

3

8.1%

37

RE

SE-RES

3

12

2

14.3%

14

RE

SE-RES

4

12

0

0.0%

12

RE

SE-RES

5

9

0

0.0%

9

 

 

 


[1] Gender Summit North America: Quality Research and Innovation through Equality. 2017. Conférence tenue à Montréal. https://gender-summit.com/gs11-about

[2] Une motion visant à recueillir des données d’auto-identification volontaire pour l’équité en matière d’emploi a été présentée par le groupe RE de l’IPFPC à l’AGA 2017 de l’Institut et a été renvoyée au Conseil d’administration.

[3] « Le terme “intersectionnalité” désigne la situation de personnes victimes de plusieurs discriminations à la fois, que ce soit à cause de leur sexe, leur couleur de peau, leur origine ou encore leur orientation sexuelle. » Christine Bard, auteure du Dictionnaire des féministes. Terme inventé par Kimberlé Crenshaw.

[4] Note sur les estimations de la disponibilité sur le marché du travail (DMT) : La disponibilité sur le marché du travail pour divers groupes professionnels est établie de façon unique pour chaque ministère ou organisme à l’aide des estimations démographiques du dernier recensement. Par exemple, la DMT pour la catégorie scientifique et professionnelle pour un ministère donné est établie uniquement en fonction du Code national des professions qui reflète les responsabilités des postes scientifiques propres à ce ministère.

[5] Blickenstaff, Jacob Clark . 2005. Women and science careers: Leaky pipeline or gender filter? Gender and Education. 17-4, p. 369-386.

[6] Commission européenne, The current situation of gender equality in Norway – Country profile, Direction générale de la justice, unité 2, égalité des sexes.

[8] IPFPC, 2018, Le lent dégel de la science publique - Rapport d’enquête sur les initiatives fédérales d’annulation des effets du « coup de froid » sur la science publique.

[9] Parker, Kim, 2017, Women are more concerned than men about gender discrimination in tech industry, Pew Research Center.

[10] Kehn, A. et J. C. Ruthig, 2013. Perceptions of Gender Discrimination across Six Decades: The Moderating Roles of Gender and Age. Sex Roles. doi:10.1007/s11199-013-0303-2.

[11] Flood, Michael et Pease, Bob, 2005. Undoing Men's Privilege and Advancing Gender Equality in Public Sector Institutions, Policy and Society, 24:4, p. 119-138.

[12] Kehn, A., et Ruthig, J. C., 2013.

[13] Parker, Kim, 2017.

[14] DeNavas-Walt, C, Proctor, B.D. et J.C. Smith, 2011. Income, poverty, and health insurance coverage in the United States: 2011. U.S. Census Bureau, Current Population Reports. U.S. Government Printing Office, Washington, DC. p. 60–226.

[15] Sondage auprès des fonctionnaires fédéraux de 2014. Quant à la question 27 « Dans mon unité de travail, le processus de sélection des personnes pour combler un poste est équitable. », parmi les répondants, 13 % se sont dits plutôt en désaccord avec l’énoncé et 10 %, fortement en désaccord.

[16] Henry, Frances et al., 2017. The equity myth: Racialization and Indigineity at Canadian universities, UBC Press.

[17] Nations Unies, 2011, Men in families and family policy in a changing world, Département des affaires économiques et sociales.

[18] LeBlanc, Hélène, 2015, Les femmes dans les métiers spécialisés et en sciences, en technologie, en génie et en mathématique : rapport du Comité permanent de la condition féminine. Chambre des communes, Canada, 41e législature, 2e session.

[19] Agriculture et Agroalimentaire Canada (AAC) et Ressources naturelles Canada (RNCan) (2017), Répartition par sexe des processus d'embauche annoncés à l'externe, 2012-2016; tableur et analyse établis par C. Wright, demandes d'accès à l'information A- 2016-00193 et DC7040-16-614. Document interne non publié, Institut professionnel de la fonction publique du Canada.

[20] Tresh, F., Player, A. et de Moura, Randsley, 2014, The Role of Gender in Hiring Situations: The Preference for Potential, affiche présentée à la BPS Social Psychology Section, Canterbury Christchurch University, cité dans Science 2.0.

[21] Clark, N.F., 2014. Act now to shrink the confidence gap. Forbes.

[22] Tran, Kim, 2014, Racism, sexism and the myth of the ‘confidence gap’, The Feminist Wire.

[23] Mohr, T.S., 2014. Why women don’t apply for jobs unless they’re 100% qualified, Harvard Business Review.

[24] Rapports produits par la Commission canadienne des droits de la personne, août 2017, obtenus à l’aide de la demande d’AIPRP A-2017-00019/VD1.

[25] Agócs, Carol, 2014. Employment equity in Canada: The legacy of the Abella Report. University of Toronto Free Press.

[26] Ibid.

[27] Agriculture et Agroalimentaire Canada, Rapport 2010 sur l’équité en matière d’emploi. Commission canadienne des droits de la personne.

[28] Groupe de travail conjoint syndical-patronal sur la diversité et l’inclusion dans la fonction publique, 2017, Bâtir une fonction publique diversifiée et inclusive, rapport final.

[29] Ibid.

[30] Loi sur l’équité en matière d’emploi : Rapport annuel 2014.

[31] Longfield, Judi, 2002, Promouvoir l’égalité dans les secteurs de compétence fédérale : examen de la Loi sur l’équité en matière d’emploi, Rapport du Comité permanent du développement des ressources humaines et de la condition des personnes handicapées, Ottawa.

[32] Nations Unies, 2001, Intégration de la question du genre : Stratégie pour la promotion de l’égalité hommes-femmes, document du Bureau du conseiller spécial sur l’égalité des genres.

[33] Schiebinger, Londa, 2007, Getting more women into science: Knowledge issues, Harvard Journal of Law and Gender, vol. 30, p. 365-378.

 

Bibliographie

Agócs, Carol, 2014. Employment equity in Canada: The legacy of the Abella Report. University of Toronto Free Press

Agriculture et Agroalimentaire Canada Rapport 2010 sur l’équité en matière d’emploi. Commission canadienne des droits de la personne.

Blickenstaff, Jacob Clark, 2005. Women and science careers: Leaky pipeline or gender filter?Gender and Education. 17-4, p. 369-386.

Canada. Conseil du Trésor du Canada, 2014. Sondage auprès des fonctionnaires fédéraux (2014).

Clark, N.F., 2014. Act now to shrink the confidence gap. Forbes.

Commission européenne, The current situation of gender equality in Norway – Country profile, Direction générale de la justice, unité D2, égalité des sexes.

DeNavas-Walt, C, Proctor, B.D. et J.C. Smith, 2011. Income, poverty, and health insurance coverage in the United States: 2011. U.S. Census Bureau, Current Population Reports. U.S. Government Printing Office, Washington, DC. p. 60–226.

Emploi et développement social Canada. Loi sur l’équité en matière d’emploi : Rapport annuel 2014

Flood, Michael et Pease, Bob, 2005. Undoing Men's Privilege and Advancing Gender Equality in Public Sector Institutions, Policy and Society, 24:4, p. 119-138.

Groupe de travail conjoint syndical-patronal sur la diversité et l’inclusion dans la fonction publique, 2017 Bâtir une fonction publique diversifiée et inclusive, rapport final

Henry, Frances et al., 2017. The equity myth: Racialization and Indigineity at Canadian universities, UBC Press.

IPFPC, 2013, Coup de froid sur la science publique : Bâillonner la science au service de l’intérêt public.

IPFPC, 2013, La désintégration de la science publique au Canada.

IPFPC, 2018, Le lent dégel de la science publique : Rapport d’enquête sur les initiatives fédérales d’annulation des effets du « coup de froid » sur la science publique.

Kehn, A. et J. C. Ruthig, 2013. Perceptions of Gender Discrimination across Six Decades: The Moderating Roles of Gender and Age. Sex Roles. doi:10.1007/s11199-013-0303-2

LeBlanc, Hélène, 2015, Les femmes dans les métiers spécialisés et en sciences, en technologie, en génie et en mathématique : rapport du Comité permanent de la condition féminine. Chambre des communes, Canada, 41e Législature, 2e session.

Longfield, Judi, 2002, Promouvoir l’égalité dans les secteurs de compétence fédérale : examen de la Loi sur l’équité en matière d’emploi, Rapport du Comité permanent du développement des ressources humaines et de la condition des personnes handicapées, Ottawa.

Mohr, T.S., 2014. T.S. Mohr, 2014, Why women don’t apply for jobs unless they’re 100% qualified, Harvard Business Review. 

Nations Unies, 2001, Intégration de la question du genre : Stratégie pour la promotion de l’égalité hommes-femmes, document du Bureau du conseiller spécial sur l’égalité des genres.

Nations Unies, 2011, Men in families and family policy in a changing world, Département des affaires économiques et sociales.

Parker, Kim, 2017, Women are more concerned than men about gender discrimination in tech industry, Pew Research Center.

Rapports produits par la Commission canadienne des droits de la personne, août 2017, obtenus par l’intermédiaire de la demande d’AIPRP A-2017-00019/VD1.

Schiebinger, Londa, 2007, Getting more women into science: Knowledge issues, Harvard Journal of Law and Gender, vol. 30, p. 365-378.

Tran, Kim, 2014, Racism, sexism and the myth of the ‘confidence gap’, The Feminist Wire.

Tresh, F., Player, A. et de Moura, Randsley, 2014, The Role of Gender in Hiring Situations: The Preference for Potential, affiche présentée à la BPS Social Psychology Section, Canterbury Christchurch University, cité dans Science 2.0.

 

Le présent rapport est un produit de l’initiative Les femmes en science inscrite dans le plan stratégique 2017-2019 du Comité consultatif des sciences de l’IPFPC. Le rapport a été rédigé par un comité de membres scientifiques actifs aidé par le personnel de recherche de l’IPFPC.    

 

Référence proposée pour le présent rapport :

Wright, C., O’Donnell, S., & Oppen, K. (2018). Les femmes en science dans le secteur public : de l’analyse à l’action Ottawa, Institut professionnel de la fonction publique du Canada, mars, 20 pages.

 

Équipe de rédaction :

Catherine Wright, agente de recherche, Institut professionnel de la fonction publique du Canada

Susan O’Donnell, groupe CNRC-AR/ACR de l’IPFPC, agente principale de recherche, Conseil national de recherche du Canada

Katie Oppen, groupe S&A de l’ACIA de l’IPFPC, analyste des politiques, Agence canadienne d’inspection des aliments

Catherine Cheung, groupe CNRC-AR/ACR de l’IPFPC, agente de recherche, Conseil national de recherche du Canada

Shannan Little, groupe SP de l’IPFPC, développeuse de modèles, Agriculture et Agroalimentaire Canada

Deborah Danoff, groupe SH de l’IPFPC, médecin, Santé Canada

Les auteures tiennent à remercier les nombreux membres et membres du personnel de l’IPFPC – femmes et alliés – qui ont fait part de leurs idées et de leurs réflexions au cours de la rédaction de ce rapport : Robin Anderson, Louise Beauchamp, Jean Bérubé, Alia Bigio, Andrew Billyard, Niasha Blake, Sylvia Boucher, Jennifer Carr, Roxanne Côté-Bigras, Craig Bihun, Veronica Carpani, Tara Chisholm, Aruna Dixit, Sushil Dixit, Norma Domey, Michael Forbes, Stéphanie Fréchette, Shirley Friesen, Stephan Grosse, Karen Hall, Maegan Harrison, Samah Henein, Claire Hurtig, Lina Johannson, Catherine Keir, Rashid Khalid, Waheed Khan, Kevser Korhan Taymaz, Lucy Li, Helen MacDonald-Piquard, Matthew MacLeod, Glenn Maxwell, Robert McDonald, Anne McLay, Shelley Melanson, Michael Mihaylov, Beverley Miranda, Chantal Morin, Leslie Nasmith, Van-Anh Nguyen, Sherry Oake, Anna Onufer, Jill Piebiak, Amanda Prysizney, Elizabeth Ptasznik, Ann Therriault, Adrienne Turnbull, Sima Vyas, Cynthia Whaley et Fiona Wong.

 

POUR PLUS DE RENSEIGNEMENTS :

Catherine Wright, agente de recherche (cwright@pipsc.ca)

Laureen Allan, agente des communications (lallan@pipsc.ca)

Rapport d’enquête sur les initiatives fédérales d’annulation des effets du « coup de froid » sur la science publique

« Plus particulièrement, je m’attends à ce que vous travailliez avec vos collègues (...) pour mener à bien vos grandes priorités :

... veiller à ce que les travaux scientifiques menés au sein du gouvernement soient accessibles à la population, à ce que les scientifiques soient en mesure de parler librement de leurs travaux et à ce que les analyses scientifiques soient prises en compte dans le processus décisionnel du gouvernement. »

Premier ministre Justin Trudeau

Lettre de mandat de la ministre des Sciences

Le 12 novembre 2015

 

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Introduction

En 2013, alors que maints reportages révélaient que le gouvernement Harper empêchait les scientifiques fédéraux de parler publiquement de leurs travaux, l’Institut professionnel de la fonction publique du Canada (IPFPC) chargeait Environics Research d’enquêter auprès des membres scientifiques de l’Institut (en majorité des employés fédéraux) pour connaître l’ampleur et les conséquences du « musellement » et de l’ingérence politique sur leur travail. Les conclusions de ce sondage, présentées dans un rapport intitulé Coup de froid sur la science publique[1], étaient stupéfiantes : près de 9 scientifiques sur 10 estimaient ne pas pouvoir parler librement aux médias de leur travail en science.

Comme le suggérait le titre, le gouvernement Harper avait instauré une politique de communication digne de la guerre froide, qui isolait les scientifiques fédéraux à la manière d’un rideau de fer pour les museler. Les conclusions du rapport ont fait les manchettes nationales en plus d’être citées à la Chambre des communes et de donner une place importante au musellement des scientifiques dans les débats électoraux de 2015.

Pour évaluer la capacité du gouvernement Trudeau à annuler les effets du musellement signalés en 2013, l’IPFPC lançait au printemps 2017 un nouveau sondage auprès de ses membres scientifiques. Entre le 29 mai et le 27 juin 2017, 16 377 invitations à participer à un sondage en ligne ont été envoyées, auxquelles 3025 membres ont répondu. C’est encore une fois Environics Research qui a mené le sondage au nom de l’IPFPC. Les résultats sont considérés comme exacts 19 fois sur 20.

Le présent rapport compare l’opinion que nos membres avaient sur le musellement en 2013 avec celle qu’ils ont aujourd’hui, près de deux ans après l’arrivée au pouvoir du gouvernement Trudeau. Pour faciliter la comparaison, le sondage de 2017 reprend la plupart des questions de 2013.

Loi du silence et musellement

Le 6 novembre 2015, le nouveau ministre de l’Innovation, des Sciences et du Développement économique, Navdeep Bains, déclarait que les scientifiques du gouvernement fédéral étaient libres de parler de leur travail aux médias[2]. Peu après, le nouveau gouvernement libéral annonçait que les politiques et les procédures ministérielles seraient révisées pour rendre compte de ce changement[3]. Quelques mois plus tard, la politique de communication du gouvernement du Canada, instaurée par le gouvernement Harper, était annulée[4]. Même si cette annonce a été bien accueillie dans le milieu de la science publique, les effets de ces changements tant attendus demeurent incertains dans les ministères[5].

« Les choses ont commencé à débloquer très lentement. Oui, le gouvernement a changé sa politique de communication, mais personne ne semblait être au courant des changements. – Debi Daviau, présidente de l’IPFPC

Un an plus tard, en décembre 2016, l’IPFPC concluait des ententes de principe avec le Conseil du Trésor, notamment sur des dispositions reconnaissant le droit des scientifiques fédéraux de parler librement de la science et de leurs recherches. Selon ces ententes, les ministères fédéraux comptant au moins 10 scientifiques doivent élaborer et appliquer des politiques sur l’intégrité scientifique.

Ces changements importants ont-ils eu une incidence sur la liberté de parole des scientifiques fédéraux?

Comparons les résultats des deux sondages. Alors qu’en 2013, 90 % des répondants disaient ne pas pouvoir parler librement aux médias, en 2017, ils étaient 53 % dans cette situation[6], ce qui constitue une nette amélioration. Cependant, il faut noter que la moitié des scientifiques fédéraux se disent toujours incapables de parler librement de leurs travaux aux médias, même si le contexte politique et les politiques de communication ont changé et que leur convention collective protège maintenant leur droit de parole. Comme le soulignait un répondant :

« C’est plus facile maintenant pour les scientifiques de s’adresser aux médias, puisque le contexte politique favorise les processus décisionnels fondés sur des données vérifiables, mais le principe n’a peut-être pas été intégré à l’ensemble de la culture et des pratiques gouvernementales. »

Le fait que, comme le révélait le rapport Coup de froid en 2013, 86 % des répondants craignaient d’être censurés ou de subir les représailles de leur ministère ou organisme s’ils jugeaient contraire à l’intérêt public une décision ou une mesure ministérielle en se fondant sur leurs connaissances scientifiques, illustre mieux cette préoccupation. En 2017, quand on leur a posé la même question, 73 % des répondants ont affirmé qu’ils ne pourraient pas le faire sans craindre la censure ou des représailles.

Et l’accès aux médias d’information, a-t-il changé? Empêche-t-on toujours les scientifiques fédéraux de répondre aux questions des médias?

En 2013, 37 % des répondants affirmaient que le personnel ou les gestionnaires des relations publiques les avaient empêchés de répondre à une question du public ou des médias. En 2015, un répondant sur cinq (20 %) disait avoir l’expertise nécessaire pour répondre à une question du public ou des médias sans pour autant avoir été autorisé par le personnel des relations publiques ou la direction à le faire. Comme l’a fait remarquer un autre répondant :

« Au niveau des cadres intermédiaires, rien n’a changé. C’est comme s’il n’y avait jamais eu d’élections. J’ai un directeur qui ne semble pas être au courant de la nouvelle position du gouvernement et je me fais dire que je ne suis pas payé pour avoir des opinions et qu’il m’est interdit de m’exprimer publiquement.

Et qu’en est-il de pouvoir communiquer le fruit de ses travaux au public?

En 2013, dans le rapport Coup de froid, on apprenait que près des trois quarts (74 %) des répondants estimaient trop restrictive la communication des découvertes scientifiques. En 2017, près de la moitié (47 %) des répondants au sondage trouvaient que la communication des résultats scientifiques du gouvernement avec le public était devenue moins restrictive depuis les dernières élections. Toutefois, la communication des conclusions d’études scientifiques gouvernementales ne s’est pas améliorée dans tous les ministères et organismes à vocation scientifique, puisque plus d’un répondant sur quatre (29 %) a déclaré n’avoir remarqué aucun changement à cet égard. Comme l’écrivait un répondant :

« Un certain groupe de gestionnaires reste très à l’aise avec les règles rigides du gouvernement Harper et s’y accroche. »

Bref, on peut qualifier de mitigé le bilan du gouvernement libéral pour sa faible capacité à répondre aux préoccupations des scientifiques fédéraux concernant le musellement, la promotion de leur droit de parole et la communication des résultats scientifiques. Soit dit en passant, certains répondants attribuent la lenteur de ces changements au fait que des gestionnaires sont mal informés ou même réfractaires au changement.

Ingérence politique et conséquences sur les politiques

Les scientifiques fédéraux jouent un rôle important dans l’évaluation de la salubrité des aliments et de l’eau, de l’innocuité des médicaments et de la sécurité des produits chimiques industriels, entre autres.

Le sondage de 2013 de l’IPFPC révélait que 50 % des répondants connaissaient des cas concrets d’ingérence politique ayant compromis la santé et la sécurité des Canadiens ou la durabilité de l’environnement. Les résultats du sondage de 2017 montrent cependant que la situation s’est sensiblement améliorée sous le gouvernement libéral. En effet, la plupart des répondants (77 %) ont dit ne pas avoir entendu parler de cas d’ingérence politique ayant compromis la santé et la sécurité des Canadiens depuis octobre 2015. Et depuis 2013, le pourcentage de scientifiques au courant de cas d’ingérence a baissé à 23 %.

Notre sondage de 2013 a également permis d’apprendre que 71 % des répondants croyaient que l’ingérence politique avait nui à l’utilisation de données probantes dans le processus décisionnel au gouvernement. En 2017, 40 % des répondants trouvaient encore que l’ingérence politique empêchait le gouvernement de prendre des décisions importantes sur les lois, les politiques et les programmes en toute objectivité. Comme le soulignait un autre répondant :

« La politique a trop d’influence sur le processus décisionnel et l’orientation de la recherche. »

Le rapport Coup de froid a également permis d’apprendre qu’environ la moitié des répondants (48 %) savaient que leur ministère ou organisme avait parfois supprimé ou caché de l’information, ce qui avait faussé la perception de certaines situations. Le nouveau sondage montre une évolution à cet égard, car le nombre de répondants ayant remarqué des cas de suppression ou de rétention d’information depuis l’arrivée au pouvoir des libéraux a baissé de 20 %. Par contre, il nous apprend aussi que près du tiers (29 %) des répondants ont été témoins de ce type d’ingérence politique dans leur ministère ou organisme depuis 2015. Comme l’a mentionné un des répondants :

« Il y a un manque de transparence; nous avons du mal à faire passer des messages scientifiques qui sont en train d’être trafiqués avant d’atteindre le public.»

Dénonciation

Nos nouvelles données indiquent que la crainte de représailles et de la censure est encore vive chez les scientifiques fédéraux, ce qui est inquiétant. C’est pourquoi la grande majorité des répondants (89 %) continuent de croire que les contribuables canadiens seraient mieux servis si le gouvernement fédéral renforçait les mécanismes de protection des dénonciateurs.

La crainte de représailles reste l’un des principaux obstacles à la dénonciation, et la loi actuelle n’apaise pas cette crainte. En dénonçant une situation grave, les fonctionnaires rendent clairement service au public, mais ils ne le font que rarement, après avoir épuisé tous les autres recours. Car malheureusement, pour un trop grand nombre de scientifiques, dénoncer, c’est aussi sacrifier sa carrière pour le bien collectif.  

Conclusion

Le gouvernement Trudeau s’est montré disposé à démuseler les scientifiques fédéraux, à ouvrir la science au public et à promouvoir l’intégration de données probantes dans son processus décisionnel. Alors même que ces valeurs sont menacées aux États-Unis, il faut plus que jamais que le Canada donne l’exemple et fasse la promotion de la science fédérale au service de l’intérêt public.

Même si certains résultats du rapport indiquent clairement qu’on a fait des progrès, il reste encore beaucoup à faire. Ainsi, pourquoi 53 % des scientifiques ayant répondu à notre sondage continuent-ils de croire qu’ils ne peuvent pas parler librement de leur travail? Pourquoi près d’un répondant sur trois continue-t-il d’être témoin d’ingérence politique dans son ministère? Et pourquoi sont-ils 73 % à craindre encore la censure et les représailles en cas de dénonciation?

Le message semble clair : il faudra plus qu’un changement de gouvernement, des lettres de mandat pleines d’espoir ou même des dispositions de conventions collectives protégeant le droit de parole des scientifiques fédéraux, pour effacer 10 ans de dommages causés à la science publique fédérale et toutes ces années de compressions budgétaires. (Un rapport sur les progrès quant au renversement des compressions dans la science publique fédérale nous permettra bientôt d’actualiser les données tirées de notre rapport de 2014, qui s’intitulait La désintégration de la science publique[7].)

Pour faire de vrais progrès, il faudra que le gouvernement et la fonction publique prennent des mesures plus concrètes et réfléchies.

À cette fin, l’Institut recommande donc de faire ce qui suit :

  1. Promouvoir et favoriser le droit de parole des scientifiques en offrant des séances de formation conjointes personnel-direction dans tous les ministères et organismes à vocation scientifique (MOVS);
  2. Renforcer les mécanismes de protection des dénonciateurs scientifiques fédéraux;
  3. Examiner les politiques de communication de tous les MOVS pour s’assurer que le droit de parole des scientifiques y est expressément inclus et rappeler annuellement ces politiques au personnel et à la direction;
  4. Continuer à prioriser l’élaboration et la mise en œuvre des politiques sur l’intégrité scientifique dans les MOVS;
  5. Inciter la conseillère scientifique en chef à établir des mesures concrètes qui aideront le gouvernement à intégrer la science publique et des données probantes au processus décisionnel;
  6. Adopter une culture de science publique et une approche fondée sur des données probantes dans la haute direction des MOVS;
  7. Promouvoir l’ouverture de la science publique au public et des voies de communication avec le public en organisant des journées portes ouvertes pour mettre en valeur le travail des scientifiques fédéraux.

[1] Coup de froid sur la science publique : Bâillonner la science au service de l’intérêt public, IPFPC, octobre 2013

[2] Les scientifiques canadiens démuselés, Radio-Canada, 6 novembre 2015

[3] Démuselés, les scientifiques du gouvernement canadien retrouvent le droit « d’aboyer », Radio-Canada, 9 novembre 2015

[4] Annulée [2016-05-11] – Politique de communication du gouvernement du Canada, Politiques, directives, normes et lignes directrices, Secrétariat du Conseil du Trésor

[5] Unmuzzled government scientists are ready to talk, Shannon Proudfoot, Maclean’s, January 2017

[6] Référence : Tous les répondants au sondage 2017 sur la science (excluant les résultats « sans objet »)

[7] La désintégration de la science publique au Canada, IPFPC, février 2014

Ottawa, le 27 septembre 2017 – L’Institut professionnel de la fonction publique du Canada (IPFPC), qui représente environ 15 000 scientifiques, ingénieurs et chercheurs fédéraux, se félicite de l’annonce de la nomination de Mona Nemer en tant que conseillère scientifique en chef.

« Nous espérons que le milieu de la science fédérale pourra compter sur Mme Nemer pour qu’elle augmente le financement des activités scientifiques du gouvernement et pour qu’elle s’oppose fermement au musellement , a déclaré Debi Daviau, présidente de l’IPFPC. Nous nous réjouissons à l’idée de collaborer étroitement avec elle. »

Sous l’égide du gouvernement Harper, les ministères et organismes fédéraux à vocation scientifique ont subi de graves compressions, et beaucoup de scientifiques ont été muselés. L’IPFPC a lutté avec ardeur contre les deux, pour éventuellement réussir à faire enchâsser dans les conventions collectives le droit des scientifiques de s’exprimer librement sur leurs recherches et sur la science.

« Le réinvestissement dans la science fédérale demeure également une priorité pour nos membres » d’ajouter Mme Daviau. « De nombreux scientifiques fédéraux se réjouiront des premiers commentaires de Mme Nemer, qui a déclaré être favorable au financement accru de la science. Non seulement le Canada a-t-il besoin de plus de science, mais il lui faut également plus de scientifiques. »

L’Institut professionnel de la fonction publique du Canada représente 55 000 professionnels des secteurs publics fédéral et provinciaux.

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Renseignements :

Johanne Fillion
613-228-6310, poste 4953 (bureau)
ou 613-883-4900 (cell.)

jfillion@pipsc.ca

Lisez notre Équité de genre dans le travail sur le terrain : Guide à l’intention des employé·es et des gestionnaires. Les conclusions du rapport montrent que la plupart des ministères et organismes à vocation scientifique ne disposent pas de politiques ni de lignes directrices claires pour protéger la santé et la sécurité des femmes et des minorités de genre dans le cadre de la recherche sur le terrain.