L'Institut professionnel de la fonction publique du Canada

L’obligation d'accommodement

Droits de la personne 
L’obligation d'accommodement

L’obligation d'accommodement

L’obligation d'accommodement s’entend de l’obligation de l’employeur ou du fournisseur de services de prendre des mesures pour éliminer les désavantages subis par des employés, des employés éventuels ou des clients en raison d’une règle, d’une pratique ou d’un obstacle physique qui a ou qui pourrait avoir un effet préjudiciable sur des personnes ou des groupes protégés en vertu de la Loi canadienne sur les droits de la personne, ou figurant comme un groupe désigné dans la Loi sur l’équité en matière d’emploi. Dans le domaine de l’emploi, l’obligation d'accommodement signifie que l’employeur doit mettre en œuvre les mesures nécessaires pour permettre à ses employés de travailler au mieux de leurs capacités. Source : La Commission canadienne des droits de la personne

L’obligation d'accommodement, une fois les obstacles identifiés, nécessite un engagement de la part de l’employeur à trouver des mesures de rechange (avec quelques limites... dont nous discuterons).

 

Loi canadienne sur les droits de la personne

L’objet de la Loi sur les droits de la personne est de donner effet au principe suivant... «...le droit de tous les individus, dans la mesure compatible avec leurs devoirs et obligations au sein de la société, à l’égalité des chances d’épanouissement et à la prise de mesures visant à la satisfaction de leurs besoins, indépendamment des considérations… »

  • Les lois canadiennes sur les droits de la personne reconnaissent que la vraie égalité réside dans le respect des besoins différents des gens. 
  • Dans le domaine de l’emploi, cela signifie qu’on valorise les différences et qu’on s’y adapte de sorte que tous les employés puissent travailler au mieux de leurs capacités. 

Discrimination

Aux termes de la Loi sur les droits de la personne, la discrimination désigne le fait d’établir une distinction entre certaines personnes ou certains groupes pour un motif de distinction illicite. 

Plusieurs dispositions de la Loi établissent ce qui constitue un geste discriminatoire au travail.  Les deux qui sont particulièrement importantes pour les délégués syndicaux de l'Institut sont :

Disposition 1

Article 7. Constitue un acte discriminatoire, s’il est fondé sur un motif de distinction illicite, le fait, par des moyens directs ou indirects :

(a) de refuser d’employer ou de continuer d’employeur un individu;
(b) de le défavoriser en cours d’emploi.

Disposition 2

Article 10. Constitue un acte discriminatoire, s’il est fondé sur un motif de distinction illicite et s’il est susceptible d’annihiler les chances d’emploi ou d’avancement d’un individu ou d’une catégorie d’individus, le fait, pour l’employeur, l’association patronale ou l’organisation syndicale :

(a) de fixer ou d’appliquer des lignes de conduite;
(b) de conclure des ententes touchant le recrutement, les mises en rapport, l’engagement, les promotions, la formation, l’apprentissage, les mutations ou tout autre aspect d’un emploi présent ou éventuel.

Motifs de distinction illicite

Aux termes de l’article 2 de la Loi canadienne sur les droits de la personne,  il est contraire à la loi pour un employeur ou un fournisseur de services relevant de la compétence fédérale de poser un acte discriminatoire s’il est fondé sur : 

  • la race
  • l’origine nationale ou ethnique
  • la couleur
  • la religion
  • l’âge
  • le sexe
  • l’orientation sexuelle
  • l’état matrimonial
  • la situation de famille
  • la déficience 
  • l’état de personne graciée

Déficience

L’article 25 de la Loi sur les droits de la personne définit la déficience comme étant

  • physique ou mentale; 
  • présente ou passée; et 
  • ainsi que la dépendance envers l’alcool ou la drogue. 
  • Une déficience peut être soit permanente (par ex., une déficience visuelle ou une mobilité réduite), ou temporaire (par ex., une maladie traitable ou une déficience temporaire qui est le résultat d’un accident). Pour déterminer si une maladie temporaire serait considérée comme une déficience... vous devez tenir compte de la mesure dans laquelle la maladie ou la blessure affecte la capacité d’une personne à faire son travail ou à obtenir un service, non seulement la nature de la maladie en soi.

! Pouvez-vous penser à quelques exemples de blessure ou de maladie qui pourraient être considérés comme une déficience à court terme? 

Compréhension des déficiences

Voici une liste non exhaustive de ce qui peut être considéré comme des déficiences. 

  • les déficiences visuelle et auditive
  • les problèmes de mobilité
  • les douleurs et états chroniques
  • la sensibilité à des facteurs environnementaux
  • les déficiences intellectuelles ou troubles d’apprentissage
  • les troubles de santé mentale ou les conditions psychologiques
  • la toxicomanie
  • autre condition permanente ou temporaire

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! À main levée, combien d’entre vous croient que l'obligation d'accommodement a priorité sur les dispositions des conventions collectives?

L’accommodement et les conventions collectives

Oui! L’obligation d’accommodement fondée sur la Loi sur les droits de la personne, c’est-à-dire l'obligation d'accommodement est fondée sur un motif de distinction illicite en vertu de la Loi sur les droits de la personne, ce qui a préséance sur la convention collective.  

Affaire Renaud (Conseil scolaire de l’Okanagan et section locale 523 du SCFP)

  • Question : Y a-t-il une obligation d'accommodement lorsque la convention collective et l’employeur exigent d’une personne de travailler de 15 h à 23 h un vendredi, ce qui est en conflit avec les croyances religieuses qui lui interdisent de travailler du coucher du soleil le vendredi au coucher du soleil le samedi?

L’obligation d'accommodement : principales considérations

Qu’est-ce qu’une mesure d’adaptation?

Une mesure d’adaptation se définit comme la recherche d’un compromis afin « d’adapter, d’harmoniser, de concilier […], une modification ou une adaptation visant à répondre à un but spécial ou différent ».

désigne la conception et l'harmonisation d'un milieu de travail en fonction des besoins du plus grand nombre possible de catégories de personnes et, selon la définition qu'en donne la Cour suprême du Canada, s'entend des mesures à prendre, compte tenu des circonstances de chaque situation, pour éviter qu'il y ait discrimination.  Source : Politique du Conseil du Trésor sur l’obligation de prendre des mesures d’adaptation pour les personnes handicapées dans la fonction publique fédérale

Exemples de mesures d’adaptation

Les exemples de mesures d’adaptation au travail comprennent notamment la possibilité d’apporter des changements aux conditions de travail suivantes :

  • Fonctions et tâches   
  • Exigences physiques
  • équipement (outils, vêtements)
  • Espace de travail/poste de travail et équipement
  • Heures ou jours de travail
  • Lieu de travail
  • (re)distribution des tâches 
  • Pauses, horaire de travail 
  • charge de travail

Mesure parfaite ou raisonnable?

  • Y a-t-il une distinction entre des solutions raisonnables et des solutions parfaites en ce qui concerne l'obligation d'accommodement? 
  • L’obligation d'accommodement parle de mesure d’adaptation raisonnable. En d’autres termes, un employeur peut respecter l’obligation d'accommodement avec une solution qui peut ne pas être perçue comme parfaite. 
  • Raisonnable est défini comme juste, adéquat, convenable et approprié, rationnel.

Les exigences professionnelles justifiées Décisions clés des tribunaux

1999 – Affaires devant la Cour suprême du Canada

Affaire Tawney Meiorin
Question : Était-ce raisonnable de s’attendre à ce qu'un pompier court 2,4 km en 11 minutes?  
De quoi retournait vraiment cette affaire? La discrimination fondée sur le sexe dans un lieu de travail en particulier dans des domaines traditionnellement à prédominance masculine. 
Cette affaire a donné lieu au « critère en trois étapes de Meiorin » pour déterminer si l’employeur a établi une norme que l’on appelle actuellement une exigence professionnelle justifiée (EPJ).

Affaire Terry Grismer
Question : Permis de conduire annulé après la perte de la vision périphérique à l'oeil gauche. En guise de mesure d'adaptation, Grimer a mis au point un système de miroirs lui permettant de compenser cette perte, mais on l'a empêché de procéder à une évaluation individuelle pour démontrer qu’il pouvait conduire en toute sécurité 
Sur quoi portait cette affaire en fait? Discrimination de service à une personne ayant une déficience. 
Résultat : Le test de Meiorin a été appliqué et la Cour a conclu que Grismer avait fait l'objet de discrimination parce qu'on ne lui avait pas permis de faire un examen de conduite à l’aide de ses miroirs pour démontrer qu’il pouvait en fait conduire en toute sécurité.

Répercussions de ces affaires

  • À la suite de ces affaires, on a établi une obligation d'accommodement au travail éliminant les normes, les règles, les pratiques ou autres exigences liées à l’emploi qui sont discriminatoires et fondées sur des motifs de distinction illicite.
  • Les mesures législatives touchant les droits de la personne ont une place quasi constitutionnelle sur la scène juridique canadienne, et toutes les autres lois, politiques et pratiques doivent normalement y être conformes.

Obligation de l’employeur
Les exigences professionnelles justifiées (EPJ)

L’employeur doit : 

  • démontrer qu’il a adopté la norme dans un but rationnellement lié à l’exécution des fonctions
  • établir qu’il a adopté la norme honnêtement et de bonne foi, étant persuadé qu’elle était nécessaire pour atteindre le but légitime lié à l’exécution des fonctions
  • établir que la norme est raisonnablement nécessaire pour atteindre le but légitime lié à l’exécution des fonctions et qu’il est impossible de répondre aux besoins de l’employé sans contrainte excessive.

Critère en trois étapes pour l’EPF défini par la CSC dans l’arrêt Meiorin

Qu’est-ce que la « contrainte excessive »?

Selon la Commission canadienne des droits de la personne, on entend par « contrainte excessive » la limite au-delà de laquelle un employeur ne peut plus faire d’accommodements sans qu’il en résulte pour lui des difficultés extrêmes. Les Employeurs sont obligés d’offrir des accommodements jusqu’à l’atteinte de contraintes excessives.

Les contraintes excessives peuvent être interprétées comme des difficultés déraisonnables pour l’employeur, par exemple :

  • Si un accommodement compromet la sécurité ou la santé
  • Si un accommodement comporte de graves considérations (productions) financières 
  • Nota : Les employeurs sont tenus d’examiner toutes les options avant d'invoquer la contrainte excessive.

Défense fondée sur les EPJ

Pour établir une défense fondée sur les EPJ, les employeurs doivent démontrer de manière convaincante ce qui a été fait pour offrir des mesures d’adaptation aux personnes touchées sans qu’il y ait contrainte excessive, en tenant compte de la santé, de la sécurité et des coûts.

Quelques mots sur les recours

Deux principaux mécanismes de recours

  • Déposer une plainte en vertu de la Loi canadienne sur les droits de la personne (LCDP)

  • Déposer un grief en vertu de la convention collective

  • Les deux aboutissent au même endroit : processus de règlement des griefs

  • Le meilleur conseil : Parlez toujours à votre ART pour explorer ensemble les meilleures options pour le membre. L'accommodement est une question complexe et hautement spécialisée! 

Responsabilités : obligation d'accommodement

Responsabilités de l’employeur

  • Concevoir des exigences et des normes de travail qui ne sont pas discriminatoires 
  • Repérer et enlever la discrimination et les obstacles en milieu de travail dans les politiques, les pratiques, les normes et les procédures, s’assurer que les gestionnaires et les superviseurs connaissent et comprennent leurs obligations d'accommodement
  • Démontrer une volonté d’accommoder
  • Examiner, évaluer les mesures d’adaptation pour les travailleurs et en assurer le suivi sur une base permanente
  • Démontrer, le cas échéant, qu’il s’agit d’une EPJ ou qu’il y a une contrainte excessive.

Responsabilités de l'employé ou du travailleur

  • Déterminer et communiquer le besoin d’une mesure d’adaptation si possible
  • Informer l’employeur des changements au besoin en matière d’accommodement
  • Collaborer avec l’employeur et le syndicat pour trouver la mesure d’adaptation la plus appropriée
  • Communiquer avec le syndicat et l’employeur
  • Offrir des explications raisonnables pour le refus de la mesure d’adaptation proposée s’il y a lieu
  • Fournir les données médicales pertinentes pour le travail, notamment  les limitations fonctionnelles et les capacités résiduelles (mais pas le diagnostic)
  • Les travailleurs n'ont pas un droit à des mesures d'adaptation parfaites. Si l’employeur propose une mesure d’adaptation raisonnable, il s’est alors acquitté de son obligation

Responsabilités du syndicat

  • Fournir ses propres ressources éducatives
  • S’occuper d’offrir la formation aux délégués syndicaux
  • Établir l’équilibre entre les besoins du travail individuel et les intérêts des membres de l’unité de négociation dans son ensemble
  • Insister pour que l’employeur s’acquitte de son obligation
  • Représenter les besoins du travailleur
  • Répondre aux propositions de mesures d’adaptation de l’employeur
  • S’assurer que la convention collective n’est pas discriminatoire

Rôle des délégués syndicaux

  • Les délégués syndicaux peuvent agir comme agent de liaison
  • Les délégués syndicaux sont là pour aider les ART à explorer les options de mesures d’adaptation convenables 
  • Les délégués syndicaux sont les yeux et les oreilles de l’Institut en milieu de travail.  Vous connaissez le lieu de travail, les fonctions et les problèmes
  • Les délégués syndicaux sont une partie intégrante des plans de retour au travail et du suivi après la mise en oeuvre de la mesure d’adaptation pour évaluer :
    • si la mesure fonctionne et 
    • pour aider à régler les problèmes connexes qui peuvent survenir
  • Les délégués syndicaux peuvent avoir à composer avec les perceptions des autres membres du lieu de travail (le membre servi par les mesures d’adaptation a un travail « douillet », est un « flanc mou », etc.) 

Retour au travail : Comment ça se passe?

Les options suivantes peuvent être envisagées dans le cadre d’un retour au travail :
 

  • Conditionnement au travail
    Le conditionnement au travail est essentiellement un programme spécialisé conçu pour aider les gens qui ont des problèmes physiques, psychologiques et psychosociaux qui gênent leur capacité à retourner au travail avec succès. Le conditionnement au travail se concentre d’habitude sur les compétences cognitives et est conçu pour améliorer et renforcer graduellement les compétences afin d’aider quelqu’un à retourner au travail. 
  • Plans de retour au travail et réunions avant le retour au travail pour évaluer quelles sont les mesures d’adaptation nécessaires
  • Il y aura des situations dans lesquelles il sera difficile de déterminer avant le retour au travail quelles mesures d’adaptation seront nécessaires – ces mesures devront peut-être être déterminées graduellement au moment de la réintégration de l’employé dans son milieu de travail.