L'Institut professionnel de la fonction publique du Canada

Mémoire présenté dans le cadre des consultations du gouvernement de l’Ontario sur la rémunération dans le secteur public

Institut professionnel de la fonction publique du Canada
Mémoire présenté dans le cadre des consultations du gouvernement de l’Ontario sur la rémunération dans le secteur public
Le 23 mai 2019

L’Institut professionnel de la fonction publique du Canada (IPFPC) représente quelque 60 000 professionnels du secteur public d’un bout à l’autre du Canada, dont la plupart sont des fonctionnaires fédéraux. L’Institut compte aussi parmi ses membres quelque 670 spécialistes de la santé et de l’informatique qui travaillent dans le secteur public ontarien.  

L’Institut soumet le présent mémoire en réponse à l’invitation lancée par le gouvernement de l’Ontario relativement à son intention de « gérer l’augmentation de la rémunération » des fonctionnaires du secteur public de l’Ontario et « de fixer par voie législative des limites aux augmentations de rémunération pouvant être établies lors des négociations collectives ou imposées dans le cadre des arbitrages obligatoires ».

En un mot, la position de l’Institut est que toute forme de plafond établi par voie législative ou toute forme d’ingérence législative dans la libre négociation collective bafoue le droit des membres de l’Institut en vertu du paragraphe 2d) de la Charte canadienne des droits et libertés. Non seulement la libre et juste négociation collective est un droit protégé par la Constitution canadienne, mais elle donne aussi de bons résultats. Elle permet aux parties de se concerter pour fixer les niveaux de rémunération depuis des décennies.

Outre quelque 240 spécialistes de l’informatique de l’Université d’Ottawa, l’Institut représente plus de 400 professionnels du secteur de la santé en Ontario qui travaillent dans diverses unités de négociation chez différents employeurs,    plus précisément les groupes suivants :

  • les physiciens médicaux (MP) de l’Ontario au service de l’Association des employeurs des centres régionaux de cancérologie;
  • les technologues en mécanique et en électronique qui travaillent à l’hôpital Sunnybrook (TME-SUN);
  • les radiothérapeutes à l’emploi de l’hôpital Sunnybrook (RT-SUN);
  • les radiothérapeutes au service du Juravinski Cancer Centre (RT-JCC);
  • les radiothérapeutes qui sont employés par le Centre régional des sciences de la santé de Thunder Bay (RT-HTB);
  • les radiothérapeutes à l’emploi de l’Hôpital régional de Windsor (RT‑HRW).

Ces spécialistes fournissent des services de santé essentiels dans les domaines du diagnostic, du traitement et de la recherche, et de l’innovation.

Il importe tout d’abord de souligner que leur augmentation de salaire annuelle moyenne s’est située ces récentes années à 1,4 %. Ce pourcentage est bien en deçà du taux d’inflation annuel moyen et des ententes salariales moyennes dans le secteur privé pour la même période. Autrement dit, la méthode employée à l’heure actuelle pour mener une libre et juste négociation collective respecte déjà en tous points l’objectif du gouvernement de conclure des ententes salariales « modestes, raisonnables et viables ». Rien n’autorise ou n’oblige donc le gouvernement à s’ingérer dans un processus protégé par la Constitution.

Les conventions collectives d’une partie de ces groupes ont récemment pris fin, et les négociations sont en cours. Celles d’autres groupes arriveront à échéance dans les prochains mois, et les négociations commenceront sous peu. Ainsi, toute ingérence législative dans le processus de négociation, que ce soit par des plafonds salariaux ou d’autres mesures, aurait un effet immédiat et pernicieux sur les droits des membres de l’Institut à la libre et juste négociation collective.

L’Institut est profondément préoccupé par les propos tenus par le gouvernement de l’Ontario dans ses déclarations publiques et par les questions qu’il a posées aux syndicats dans le cadre du processus de « consultation » voulant que la rémunération des fonctionnaires soit en quelque sorte un problème à gérer. C’est tout le contraire. Comme nous l’avons fait remarquer précédemment, les salaires négociés pour les membres de l’Institut n’ont pas suivi la progression du taux d’inflation ni les augmentations accordées dans le secteur privé ces dernières années.

À cet égard, l’Institut revient sur certains points déjà formulés au gouvernement par ses collègues syndicaux du secteur de la santé. Fait préoccupant, le revenu par habitant de l’Ontario est plus faible que partout ailleurs au Canada. Légiférer en imposant des plafonds sur la rémunération des fonctionnaires provinciaux pénalise ces derniers en les obligeant à accepter des salaires anormalement bas afin de financer des échappatoires fiscales pour les entreprises et les riches particuliers.    

Le gouvernement de l’Ontario est aussi celui qui dépense le moins par personne parmi les gouvernements du pays malgré la croissance et le vieillissement de sa population, ce qui augmente la demande en services gouvernementaux. Une telle idée est contre-intuitive et mènera indubitablement un jour à une crise dans les services de santé.

L’Institut répond comme suit aux questions posées par le gouvernement dans le cadre du processus de consultation :

Y a-t-il des aspects de la ou des conventions collectives de votre ou de vos organisations qui nuisent à la gestion des coûts de la rémunération?

Non, aucun aspect des conventions collectives ne nuit à la gestion des coûts de la rémunération. Comme il a déjà été mentionné, les conventions collectives de l’Institut ont toujours mené à des ententes salariales « modestes, raisonnables et viables ». La libre et juste négociation collective entre les parties leur a permis de parvenir à s’entendre sur des niveaux de rémunération viables.

Selon vous, y a-t-il des mécanismes de gestion auxquels le gouvernement devrait songer?

En ce qui concerne d’autres mécanismes de gestion de la rémunération, l’Institut estime que les processus de négociation collective en place qui sont protégés par la Constitution répondent au contexte changeant et facilitent la bonne gestion des coûts de la rémunération.

Le processus de négociation demeure efficace. Il n’y a donc pas lieu pour le gouvernement ontarien d’envisager d’autres mécanismes employés par d’autres administrations, comme « la participation des employés aux bénéfices ».

Alors, que pensez-vous de l’idée du gouvernement de fixer par voie législative des limites aux augmentations de rémunération pouvant être établies lors des négociations collectives ou imposées dans le cadre des arbitrages obligatoires?

L’Institut est d’avis que toute forme d’ingérence législative liée à la libre négociation collective, y compris fixer par voie législative des limites aux augmentations de rémunération, bafouerait les membres dans leurs droits en vertu du paragraphe 2d) de la Charte canadienne des droits et libertés. L’ingérence dans les droits protégés par la Constitution à la libre négociation collective aurait des répercussions dommageables non voulues sur les relations de travail pour bien des années à venir.

De même, étant donné les augmentations de salaire négociées récemment pour les membres de l’Institut qui travaillent dans le secteur de la santé, qui n’ont pas suivi l’inflation, rien n’oblige ni ne justifie l’imposition de limites aux augmentations de salaire.

Y a-t-il des mécanismes employés par d’autres administrations qui pourraient convenir en Ontario? Le cas échéant, lesquels et comment les appliquer?

Comme nous l’avons mentionné, la négociation collective est un mécanisme efficace pour parvenir à des niveaux de rémunération viables. Il n’y a donc pas lieu d’examiner d’autres mécanismes de gestion de la rémunération employés dans d’autres administrations. En outre, ces mécanismes ne se prêtent pas au contexte ontarien puisque le revenu par habitant de l’Ontario est plus faible que partout ailleurs au Canada.

En conclusion, l’Institut presse le gouvernement de ne pas s’ingérer dans la libre et juste négociation collective en ayant recours au processus législatif. S’il décidait d’aller dans ce sens, il violerait non seulement indûment le paragraphe 2d) de la Charte canadienne des droits et libertés, mais il minerait aussi le processus de négociation qui s’est révélé jusqu’à maintenant un bon moyen de permettre aux parties de s’entendre sur des niveaux de rémunération viables.

Enfin, l’Institut déclare que sa participation écrite au processus de consultation ne remplace en rien son droit à la libre et juste négociation collective garantie en vertu du paragraphe 2d) de la Charte canadienne des droits et libertés.

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RENSEIGNEMENTS :

Pierre Villon
Bureau de la présidente
L’Institut professionnel de la fonction publique du Canada
613-228-6310, poste 4928