L’économiste de l’IPFPC, Ryan Campbell, nous présente les cinq points à retenir de la mise à jour économique que Chrystia Freeland, ministre des Finances, a présentée le lundi 30 novembre 2020.
1. La science est essentielle au secteur public
Le gouvernement a pour priorité absolue la mise au point d’une démarche scientifique pour contenir la COVID-19 et protéger les Canadien·ne·s. Dans cet énoncé économique, le gouvernement fédéral consacre 565 millions de dollars à l’achat de matériel de dépistage de la COVID-19 et à la distribution de nouveaux tests de dépistage rapides du coronavirus.
Les Canadien·ne·s tiennent à disposer d’un vaccin sûr et efficace, et la perspective qu’il ne soit pas produit au pays les préoccupe. L’énoncé économique ne répond pas à toutes les questions sur la rapidité et l’efficacité des efforts de vaccination au Canada, mais il prévoit des mesures pour accroître la production nationale. Le Conseil national de recherches fera partie de la solution : 126 millions de dollars sur six ans lui sont alloués pour produire deux millions de doses de vaccin par mois au Centre de recherche en thérapeutique en santé humaine. La fonction publique demeure au cœur de la réponse du gouvernement fédéral à la pandémie, sous la direction de Santé Canada et de l’Agence de la santé publique du Canada.
2. Rien ne laisse présager l’imposition de mesures d’austérité et les bases d’une relance verte ont été jetées.
Nous pouvons nous réjouir que le gouvernement n’ait pas été effrayé par les fausses menaces des alarmistes du déficit. Il est vrai que le déficit prévu pour 2020-2021 est passé à 382 milliards de dollars, du jamais vu depuis la Seconde Guerre mondiale. En revanche, cette projection a également montré que le déficit tend à la baisse, et qu’il chutera sans aucune mention d’austérité à 121 milliards de dollars l’année prochaine, et à 51 milliards de dollars en 2022-2023.
À mesure que la menace sanitaire se dissipera, la nécessité des dépenses publiques diminuera également. Même après cette année historiquement mauvaise, la dette du Canada devrait rester inférieure à la moitié de la dette moyenne des autres pays du G20. Les niveaux d’endettement modérés et les taux d’intérêt historiquement faibles ont permis au gouvernement de combattre plus facilement le virus et de réparer les dommages économiques sans contraintes financières.
Il faut toujours privilégier l’investissement pour stimuler notre économie en ces temps sans précédent. C’est d’autant plus vrai que la pandémie et la crise climatique sont en pleine convergence. Dans cet énoncé économique automnal, le gouvernement fédéral s’est engagé à prolonger les dépenses pour assurer la relance de l’économie, et ce, même après que le virus ait été vaincu, en prévoyant y consacrer de 3 à 4 % du PIB par an entre 2021 et 2024. Ces dépenses s’ajoutent aux 2,6 milliards de dollars consacrés aux rénovations énergétiques vertes et à l’annonce de l’allocation de 150 millions de dollars visant à soutenir l’infrastructure des véhicules à émission zéro. Ces dépenses sont cruciales pour réparer les cicatrices économiques résultant des récents chocs; les objectifs de réduction des émissions de GES doivent aller de pair avec les investissements visant la création d’emplois.
3. Des signaux d’équité fiscale ont été envoyés, mais il faudra plus de substance.
Le gouvernement fédéral a annoncé son intention de simplifier la déduction pour frais de bureau à domicile pour les premiers 400 dollars demandés. Ça semble être une bonne chose, mais les détails complets n’ont pas encore été publiés. Nous vous enverrons d’autres nouvelles dès que nous en saurons plus.
À partir de juillet 2021, les entreprises étrangères de technologie et de commerce électronique devront se plier à des exigences plus strictes pour facturer la TPS et la TVH aux clients canadien·ne·s. Jusqu’à présent, les sociétés canadiennes étaient désavantagées sur le plan de la concurrence, car elles ont toujours dû ajouter ces frais. Cet ajustement inspiré par le gros bon sens est le bienvenu, mais il aurait dû être fait depuis longtemps. Les professionnels de l’ARC et les autres défenseurs de l’équité fiscale recommandent ce changement depuis des années.
Des mesures progressives, mais bien tangibles ont été prises pour corriger la situation des options sur titres, une déduction qui constitue une subvention pour les fortunés. L’énoncé économique de l’automne a également annoncé l’intention du gouvernement fédéral de moderniser la disposition générale anti-évitement (DGAE) et prévoit des dépenses supplémentaires de 606 millions de dollars sur cinq ans à l’Agence du revenu du Canada pour freiner la fraude fiscale internationale et l’évitement fiscal agressif.
Au total, les annonces concernant l’équité fiscale devraient rapporter deux milliards de dollars par an en recettes supplémentaires. Ces changements sont les bienvenus, mais ils étaient tout de même les plus faciles à mettre en œuvre. Le gouvernement doit maintenant se concentrer sur les sociétés multinationales et les super riches qui dissimulent leurs profits à l’extérieur du Canada.
4. NAV CANADA et l’industrie du transport aérien commercial ont besoin d’aide.
Les menaces sanitaires et les restrictions imposées aux voyages dans le contexte de la pandémie ont fait des ravages dans l’industrie du transport aérien commercial. Dans son énoncé économique de l’automne, le gouvernement fédéral engage des ressources importantes pour aider les aéroports et les fournisseurs de services régionaux. Il a également accordé des prêts à d’autres secteurs affectés par l’entremise du Programme de crédit pour les secteurs très touchés.
Il n’y a pas encore d’accord final pour les compagnies aériennes commerciales; les négociations sont en cours, mais il s’agit là d’une omission flagrante. NAV CANADA est une société privée sans but lucratif qui doit payer des frais généraux considérables et dont les revenus dépendent des frais d’utilisation. Il faut qu’elle fasse partie de l’accord final pour le secteur aérien tout en bénéficiant d’un accès sans ambiguïté aux programmes existants, comme la subvention salariale d’urgence du Canada.
5. Après 30 ans d’engagements non respectés en matière de garde d’enfants, les libéraux ont quelques mois pour tenir leurs promesses.
La pandémie a mis en lumière le manque flagrant de services de garde d’enfants abordables au Canada. Ce sont les femmes qui ont supporté le plus gros de ce fardeau, et elles n’ont jamais été aussi nombreuses à quitter le marché du travail depuis des générations.
La ministre des Finances a employé un langage fort et favorable, en déclarant ce qui suit : « le Canada ne pourra être réellement compétitif que lorsque toutes les femmes canadiennes auront accès aux services de garde d'enfants abordables dont nous avons besoin ». Malheureusement, l’engagement financier était faible et le dur labeur et le processus décisionnel n’ont rien donné, comme lors des 30 dernières années.
Il serait honteux de traverser cette crise mondiale sans tirer les leçons qui nous ont été données. Le budget de 2021 doit comprendre des engagements concrets pour assurer la création d’un programme national universel de garde d’enfants.