L'Institut professionnel de la fonction publique du Canada

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L’obligation de prendre des mesures d’adaptation

Prendre des mesures d’adaptation, cela signifie modifier ou adapter les politiques, les pratiques et les installations pour éliminer leur effet discriminatoire.

Les droits et les obligations en matière de mesures d’adaptation sont légiférés aux termes de trois lois de la province du Nouveau-Brunswick :

  • la Loi sur les accidents du travail  
  • La Loi sur les normes d’emploi  
  • la Loi sur les droits de la personne

Les congés garantis en vertu de la Loi sur les normes d’emploi et le droit de reprendre le travail en vertu de la Loi sur les accidents du travail sont des minimums seulement; il importe de remarquer que l’obligation de prendre des mesures d’adaptation en vertu de la Loi sur les droits de la personne prévoit souvent des droits plus étendus.

Les employeurs doivent faire plus que traiter toutes les personnes de la même façon. Pour éviter une discrimination par suite d’un effet préjudiciable, un employeur doit précisément prendre des mesures d’adaptation à l’égard des quatorze caractéristiques personnelles énumérées dans la Loi sur les droits de la personne, sauf si cela aurait pour effet de constituer une contrainte excessive pour l’employeur ou d’exiger de lui de sacrifier ses objectifs légitimes.

Obligation de prendre des mesures d’adaptation à l’endroit des travailleurs handicapés  

Les employeurs et les syndicats ont l’obligation de prendre des mesures d’adaptation à l’endroit des travailleurs handicapés afin de pouvoir les embaucher et les maintenir en poste. Cette obligation s’applique à tous les aspects de l’emploi, y compris l’embauchage, les descriptions de travail, les installations, le matériel, ainsi que le retour au travail après une blessure ou une maladie qui constitue une incapacité.

Voici quelques exemples de mesures d’adaptation :

  • Acheter ou modifier les ordinateurs qui seront utilisés par les salariés ayant des troubles visuels ou d’autre nature.
  • Prévoir des rampes pour les fauteuils roulants et des toilettes accessibles.
  • Modifier les fonctions liées à l’emploi (tâches légères).
  • Réorganiser les fonctions liées à l’emploi.
  • Modifier l’horaire de travail.
  • Offrir du temps libre pour les rendez-vous chez le médecin.
  • Autoriser des heures à temps partiel, des heures à temps plein ou un horaire souple.
  • Accepter un certain degré d’absentéisme à cause d’une incapacité.
  • Changer le relais du salarié, du relais de nuit au relais de jour.
  • Muter l’employé à un poste différent.
  • Offrir des services de réadaptation.
  • Offrir de la formation.
  • Embaucher un remplaçant temporaire ou un aide.

Ces mesures d’adaptation ne sont pas requises dans chaque cas. Ce qui est exigé, et ce qui constitue une contrainte excessive, dépendent de plusieurs facteurs (voir ci-dessous).

Retour au travail

Les salariés qui reprennent le travail après une absence attribuable à l’une des quatorze caractéristiques personnelles énumérées dans la Loi sur les droits de la personne ont :  

  • le droit de reprendre leur emploi original, si possible, sans perte de rémunération, d’avantages ou d’ancienneté;
  • droit à un emploi modifié ou à un autre emploi sans perte de rémunération, d’avantages ou d’ancienneté;
  • droit à des mesures d’adaptation raisonnables de la part de leur employeur et de leur syndicat afin qu’ils puissent reprendre leur emploi original ou un emploi modifié ou un autre emploi.

La Loi sur les accidents du travail prévoit des délais d’un an ou deux pour l’obligation à l’égard du réemploi. Cependant, les lois sur les droits de la personne ne prévoient aucun délai fixe à l’obligation qu’un employeur garde un poste ouvert pour un salarié handicapé afin qu’il puisse s’acquitter de son obligation de prendre des mesures d’adaptation. Cela dépend de ce qui constituerait une contrainte excessive, ce qui dépend des faits en cause, y compris :

  • du pronostic de rétablissement complet ou partiel;
  • des efforts de réadaptation du salarié;
  • de la nature et de la portée de l’emploi;
  • de la taille et des ressources financières de l’employeur.

Il convient de noter que dans les causes de droits de la personne, l’obligation de prendre des mesures d’adaptation peut s’étendre au-delà de la période où un employeur est tenu de garder le poste d’un travailleur disponible en vertu de la Loi sur les accidents du travail ou de la Loi sur les normes d’emploi. De même, le déplacement de l’employé à un niveau de rémunération inférieur n’est pas une mesure d’adaptation raisonnable.

Limites aux mesures d’adaptation

Le critère de l’arrêt Meiorin : Dans l’arrêt Meiorin en 1999, la Cour suprême du Canada a énoncé les limites à l’obligation de prendre des mesures d’adaptation. Selon le critère de l’arrêt Meiorin, la norme d’un employeur (une politique, pratique, description de travail et autres) qui a un effet discriminatoire est néanmoins valide lorsqu’elle répond à trois critères :

  1. La norme a été adoptée dans un but rationnellement lié à l’exécution du travail en cause.  
  2. Elle a été adoptée de bonne foi, avec la conviction qu’elle est nécessaire pour réaliser ce but.
  3. Elle est en fait raisonnablement nécessaire pour réaliser ce but (c’est-à-dire qu’il est impossible de prendre des mesures d’adaptation sans que cela impose une contrainte excessive à l’employeur).

Contrainte excessive. Le principal élément de la troisième condition du critère de l’arrêt Meiorin est la contrainte excessive. Ce qui constitue une contrainte excessive variera d’un cas à l’autre, selon plusieurs facteurs qui devraient être appliqués avec du bon sens et de la souplesse. Une contrainte excessive peut prendre la forme d’une impossibilité, d’un risque grave ou de coûts excessifs, par exemple. Les facteurs les plus courants sont :

  • La sécurité : Pour prouver une contrainte excessive, il faut présenter des preuves médicales objectives de la probabilité de blessure ou de grave risque pour la santé et la sécurité. Les augmentations possibles des cotisations au titre de l’indemnisation des travailleurs ou la simple possibilité d’une plus grande exposition à la responsabilité ne constituera pas une contrainte excessive.
  • Les coûts : Selon la Cour suprême, les coûts constitueront une contrainte excessive dans les conditions suivantes : ils sont quantifiables, ils sont réputés découler de l’adaptation nécessaire et ils ont une importance telle qu’ils modifieraient la nature essentielle de l’entreprise ou ont une incidence telle qu’ils influenceraient considérablement sa viabilité. Il faut vérifier et quantifier les coûts de façon exhaustive.
  • Les répercussions sur les collègues et les clients : Une adaptation pourrait être réputée constituer une contrainte excessive si elle porte atteinte de façon sensible aux droits des autres, ou représente de la discrimination envers ces derniers.

Lorsqu’un employeur contre qui une plainte sur les droits de la personne a été déposée soutient que l’adaptation en question aurait constitué une contrainte excessive, la Commission des droits de la personne tiendra compte de divers facteurs, dont les suivants :

  • La mesure dans laquelle cet inconvénient empêcherait l’employeur de mener les activités essentielles de son entreprise.
  • Les coûts assumés par l’employeur, établis en fonction de la taille et de la situation financière de son organisme.
  • La capacité de l’employeur à assumer les pertes de revenu résultant des mesures prises dans la mesure où elles ne sont pas compensées par un gain de production, des exemptions fiscales, des subventions ou d’autres gains.
  • La capacité de l’employeur d’absorber les coûts liés à la modification des lieux ou du matériel; et la capacité d’amortir ces coûts avant de mettre en œuvre les changements prévus pour assurer l’accessibilité.
  • La capacité de l’employeur d’absorber les coûts de l’adaptation des locaux actuels compte tenu des plans de l’entreprise de s’installer dans de nouveaux locaux accessibles.
  • La portée des exigences imposées par l’adaptation aux autres employés ou aux clients de l’entreprise.
  • Les mesures envisagées ne doivent pas porter sérieusement atteinte aux droits des autres ou constituer de la discrimination envers ces derniers.  L’interchangeabilité du personnel de l’employeur et la sécurité du plaignant et des autres personnes visées influeront sur la capacité de procéder à une adaptation.
  • Ni les coûts tels que ceux qui sont liés aux heures supplémentaires, aux congés spéciaux ou aux mesures prises devant la menace d’un grief, ni des incidences limitées sur les dispositions d’une convention collective ne sont jugés nécessairement comme une contrainte excessive. Toutefois, un changement radical dans l’application habituelle d’une convention collective peut représenter une entrave excessive aux activités d’une entreprise.

Obligation (et droit) de l’employeur

  • L’obligation de prendre des mesures d’adaptation requiert la collaboration des employés. Ceux-ci doivent, par exemple, donner toute l’information nécessaire sur leurs limites et doivent examiner de bonne foi les solutions proposées par l’employeur. Le syndicat devrait également prendre part aux discussions sur les mesures d’adaptation (à la demande de l’employé). Parfois, l’application des dispositions de la convention collective doit être modifiée afin de faciliter les mesures d’adaptation. 
  • En fin de compte, c’est à l’employeur qu’il incombe de déterminer un plan d’adaptation qui tienne entièrement et adéquatement compte des limites d’un employé. Cela n’oblige pas l’employeur de concevoir des mesures d’adaptation « parfaites » et l’employé n’a pas le droit d’insister pour avoir des mesures d’adaptation qu’il préfère si une autre solution tient compte de ses limites.